lundi 31 décembre 2018

George Orwell (1903-1950)


« Parler de liberté n'a de sens qu'à condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre. »
 
Préface inédite d'Eric Blair, dit George Orwell, extrait La Ferme des animaux (1945).

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dimanche 23 décembre 2018

Lettre inédite de Robert Sabatier (1923-2012) à Jean L'Anselme (1919-2011)

à Thomas Deslogis qui comprendra, peut-être, un peu mieux que la poésie n'est pas obligatoirement un monde de bisounours.
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© Robert Sabatier à Saugues (Journal "La Montagne")

De janvier 2001 à décembre 2012, j'ai entretenu une correspondance soutenue avec le poète Jean L'Anselme.

Nous nous sommes vus plusieurs fois à Paris. Je pense qu'il m'aimait bien. Puisque ce dernier n'a jamais hésité à me confier, de temps à autre, quelques-unes de ses archives personnelles.
Comme cette réponse de Robert Sabatier à sa carte postale de juin 2008.
C'était une manière, je crois, de me remercier pour mon engagement en tant qu'amoureux et médiateur de la poésie. Je sais aussi qu'il me les a confiées pour que j'en fasse bon usage et que je les partage, le moment venu. 



à
Maître Jean L'Anselme


Après cette lettre je sais tout sur ta résidence. Je te rends la politesse. J'habite toujours au même lieu : un appartement trop grand pour moi et que je n'aime pas - mais je n'ai pas le courage de déménager. Je sors peu, je ne vois pas grand monde si ce n'est quelques habitués du comptoir au bistrot du coin. Je me plais plus avec eux qu'avec les piliers de l'écriture. Vacances : quatre jours au village natal en Gévaudan. Rencontre non pas d'amis anciens (tous partis !) mais de jeunes et surtout paysans et artisans. Ce sont de solides Gaulois aux grandes moustaches et à la poignée de main redoutable. Là on m'aime. J'ai eu hier 85 ans. Deux souhaits d'anniversaire. C'est suffisant : il est un temps où les anniversaires ne sont plus des fêtes. Je suis les jeux olympiques et je pense au coureur que tu fus. Je tape sur ma vieille bécane (1937) et je n'ai pas de portable. Je ne saurais qu'en faire. J'ai vu l'autre jour une photo : tu es en maillot de corps et je noue ma cravate. Ragon me téléphone de temps en temps. L'ennui avec nos contemporains c'est qu'ils ne parlent que du passé. Je lis des romans pour le prix Goncourt : 75% sont sans intérêt. J'en ai marre et je n'ose pas le dire. J'ai loupé des réunions du prix Apollinaire : c'est pour moi à l'autre bout de Paris et je suis flemmard. Trois beaux pigeons ramiers me rendent visite sur le bord de ma fenêtre. Je me suis pris d'amour pour eux. J'écris de temps en temps un poème à l'ancienne manière. Ma santé est bonne mais je marche mal. Je ne sais combien de temps cela durera. On verra bien et peut-être qu'on ne verra pas. Tu es sauvé : tu as ton île. Suite au prochain numéro.
Tout cela pour te dire que je t'aime bien même si je le dis en tapant à la machine car j'écris fort mal.
 

Je t'embrasse
                                                                 Robert Sabatier


Précision : Jean L'Anselme  m'a raconté avoir connu, très tôt, Robert Sabatier ainsi qu'Hervé Bazin. Fin des années 40, il avait notamment participé à la revue de poésie, La Cassette, fondée par Robert Sabatier, avant que ces deux vieux amis basculent définitivement du côté du roman.

© La photographie de Robert Sabatier est empruntée à un article paru dans le quotidien, La Montagne, le 28 juin 2012, suite à sa disparition.

lundi 10 décembre 2018

Poèmes Cut-up n°14

jean-jacques-goldman-il-suffira
Poèmes Cut-up n°14 : « Jean-Jacques, reviens, ils sont devenus fous ! »


Un jour ou l'autre, c'est sûr « les poncifs penseurs » révolutionneront le monde avec leur dernier slogan :

« Booster les initiatives, favoriser des nouvelles coopérations... et branler le mammouth. »

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Ch'tis contre Marseillais... Qui gagne ?

Les car-wash à Lille, c’est aussi inutile que les cabines à bronzer à Marseille.

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Le syndicat CGT à propos de l’assignation, par leur direction, des pompiers au tribunal de L. pour des slogans inscrits sur les véhicules de service

« C’est un des seuls moyens d’action quand la négociation est fermée. »

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Pompier, bon œil...

Ils agressent les pompiers à coups de marteau
de barres de fer
de chaises
et de tessons de bouteilles
(à part ça
tout va bien)
les pompiers sont même obligés
de manifester
pour qu’on ne les agresse plus

Depuis on a assuré en haut lieu
qu’un plan de sécurisation des interventions
était en phase d’élaboration…

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« On a envie de changement ! » 

C’est dans l’air du temps mais on ne voit rien venir depuis des lustres…

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Algérie : La jeunesse dans le brouillard

Un sujet intéressant mais un titre mal choisi !

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Jean dort mes cons

D’ailleurs, qui a lu l’un de ses livres ?

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Une liste noire avec de grosses zones d’ombre 

J’aime bien ce titre qui résume bien à lui seul le scandale des paradis fiscaux.

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Le poids lugubre des mots

On ne dit plus « personnel reclassé » ni « personnel en sureffectif » mais « personnel en suroccupation ».

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L'enthousiasme n'était pas la meilleure des prophéties

Pas né à l’âge de pierre, ni à l’âge industriel, pas plus qu’à l’âge de la Grande Guerre ni de la Seconde... Né à l’âge du Premier choc pétrolier… cependant j’étais alors bien loin de m’imaginer cet « âge de merde » dans lequel nous vivons aujourd’hui.

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Mars sur écoute…

Les autres dieux n’ont plus qu’à bien se tenir.

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Black Friday, Cyber Monday, Sex Saturday 

J’peux encore faire ce que je veux, quand je veux, d’accord !!!

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Une nouvelle maladie incurable est apparue… 

C’est la Macronite aigüe.

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Un juge nommé, l’enquête relancée 

On sait à quoi tient l’efficacité de la justice dans notre pays…

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Culture : Vincent Lagaf’ en mode survie 

François-Xavier Farine en état de sidération.

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Pensée au saut du lit en rapport avec l’actualité avant d’enfiler mon gilet jaune pour partir à vélo...

Quand tu as une matraque et un bouclier à la main, tu finis rarement philosophe.

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Des partenaires jetables 

Demain, il suffira d’un clic.

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Retrouvailles au sommet

Sur les réseaux sociaux, j’ai retrouvé des copains et des copines d’hier. Ils ont tous des barbes qui poussent et des seins qui tombent.
Comme le chantait le variétologue François Valéry : « On a bien fait de s’aimer vivants ! »

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On nous prend royalement pour des cons, hein, Jean-Jacques ?

« Il suffira d'un SMIC, c'est certain-ain-ain-ain... »

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Le travail du futur : des vacances perpétuelles

L'entreprise VIAT (Very Important Android Technology) a remplacé tous ses employés par des robots. Plus de 35 heures, plus d’absentéisme, plus de retard au travail, plus de pause-déjeuner, plus de conflit de personnel, plus de grève, de réunion de service improductive, de personnel à former, de discussions stériles, plus d’épuisement au travail. Une efficacité optimum !
« Tous les problèmes sont enfin résolus ! » déclarent, à l’unisson de leur patron, tous les ex-salariés qui sont en vacances 24 heures sur 24 tout en continuant à être payés à 95 % puisque leurs robots-clones travaillent désormais à leurs places en continu, sans pause, jour et nuit, avec un rendement beaucoup plus efficace.
« Au final, dans cette société-là, tout le monde est gagnant ! » souligne le Directeur Général, lui-même cloné de cette grande entreprise high tech, qui sirote tranquillement un cocktail géant, au bord d’une piscine, dans un décor paradisiaque, à l’autre bout de la Terre.

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(Décembre 2018.)