© François de Cornière sur un de ses spots favoris en 2019. |
Il fait partie, avec Georges-Louis Godeau et Gabriel Cousin, « des poètes » dits « du quotidien » que je continue de lire aujourd'hui avec passion. Toujours aussi attentif aux autres poètes, il m'a envoyé un texte inédit en écho à mon dernier recueil, Trombines, publié chez Gros Textes en mai 2020.
J'avais envie de le partager avec vous.
Dans ce poème, François de Cornière évoque, en fin observateur qu'il est, le bonheur de vivre des surfeurs, au plus près des éléments de la nature et des choses simples.
COMME UNE LIGNE QUI AVANCE
Du haut de la falaise on regardait les surfeurs
petits points sur la mer
et l’immensité de l’eau.
On restait là-haut
et puis on descendait sur la plage
plus à l’abri du vent.
Ils étaient quelques-uns dans l’angle des rochers
comme en famille sur le sable
avec chiens enfants bébés
et leurs planches qu’ils fartaient
leurs combinaisons qui séchaient au soleil.
Il y en avait de très bons
(on les repérait vite)
d’autres qui avaient du mal
(qui débutaient peut-être).
J’aimais les voir tous
quand ils entraient dans la mer
vite à plat ventre sur leur planche
et leurs bras et leurs bras moulinaient
pour aller là-bas.
Une fois les premiers rouleaux passés
ils attendaient la bonne vague
ils se préparaient ils anticipaient
parfois se ravisaient au dernier moment
jusqu’à la suivante.
Enfin ils se lançaient
un genou sur la planche
et ils se levaient.
Ils glissaient
longeaient longeaient la vague
debout avec elle
le plus longtemps possible
comme une ligne qui avance
qui se déroule
qui s’écrit
quelquefois jusqu’au bout
pour le simple plaisir
de recommencer.
(© François de Cornière, poème inédit, 2020).
Jacques Bonnaffé lit François de Cornière : au détail proche (4 épisodes) sur France Culture en juin 2019.