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lundi 24 mars 2025

Les Petits Malheurs de Jean-Claude Dubois

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Jean-Claude DUBOIS
Estelle AGUELON
Les Petits Malheurs. - (Poèmes pour grandir)
Cheyne, 2017
15 Euros


(Poésie jeunesse)

Né en 1954 dans le Nord, Jean-Claude Dubois est un poète discret, d’un village du Mélantois, qui ne doit plus pour autant passer inaperçu. Il a obtenu le prix de poésie Roger-Kolwalski en 1988 pour Le bois d’absence puis écrit d’autres recueils de poésie remarqués comme Le Canal en 2001. En 1998, il a été l’initiateur d’une superbe anthologie, Le silence parle ma langue, qui regroupait alors les principaux poètes du Nord/Pas-de-Calais et a longtemps été directeur de la collection verte chez Cheyne éditeur en toute discrétion également.
Désormais grand-père et retraité actif, il a consacré ce recueil jeunesse à son quotidien le plus élémentaire et parle de « l’enfance éternelle » qui subsiste en chacun d’entre nous.
En 39 poèmes courts et émouvants, le poète dit son amour et son affection pour sa petite tribu : femme, enfants et petits-enfants, avec pudeur et attention, légèreté et gravité. Et ces « petits malheurs »-là nous font encore plus apprécier, en profondeur, le sel de la vie.

mercredi 19 mars 2025

Je suis fort dans un domaine qui n'existe pas de Simon Allonneau

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Simon ALLONNEAU
Images RASCAL
Je suis fort dans un domaine qui n'existe pas
Cheyne. - (Poèmes pour grandir), 2024
15 Euros

Simon Allonneau revient en poésie et c’est toujours drôle, grinçant et plein de fantaisie. 
C’est même plus jubilatoire peut-être que ses deux précédents recueils personnels où le poète quitte davantage l’humour noir pour un humour plus rose et moins désenchanté. Même si l’humour et l’absurde y cohabitent autant. J’ai déjà écrit que Simon Allonneau se situait entre Boris Vian et André Frédérique. Mais en grattant la fine pellicule du poème, on trouve aussi, derrière la cocasserie, une tendresse qui ne dit pas son nom. « Il suffit qu’un brin d’herbe aille dans mon sens c’est suffisant tout le reste peut pencher dans l’autre sens c’est ce brin d’herbe qui est important. »
Simon Allonneau est un auteur à part qui trace sa route en poésie, une route singulière et originale. Lisez-le sans plus attendre ! En 2015, je l'avais invité à la Médiathèque départementale du Nord, avec Grégoire Damon, autre découverte, dans le cadre des lectures-rencontres pour le 17e Printemps des Poètes. C’était tout simplement détonnant.

>> Chronique de Un jour on a jamais rien vu de Simon Allonneau (2013).
>> Chronique de La vie est trop vraie de Simon Allonneau (2015).

Sur la pointe des pieds de Christophe Jubien

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Christophe JUBIEN
Laurent PINABEL
Sur la pointe des pieds
Motus. - (Pommes pirates papillons), 2024
13 Euros

(Poésie jeunesse)

Christophe Jubien s’est spécialisé depuis quelque temps dans les formes courtes et le haïku.
Ses poèmes tendres, délicats, portent sur le monde un regard amusé et bienveillant avec un brin de malice. On pense à la fraîcheur des poèmes pour la jeunesse de David Dumortier et à ceux de Paul Vincensini. Les illustrations de Laurent Pinabel qui accompagnent chaque texte dynamisent le poème et le font toujours rebondir plus loin que lui-même. Une constante réussite de la collection « Pommes pirates papillons » des éditions Motus, dont c’est déjà le 38e titre !

mercredi 23 octobre 2024

Poésie/Gallimard, deux nouveautés à venir


La collection de poche « Poésie/Gallimard » est une consécration pour les poètes. Bien qu’elle reconnaisse parfois tardivement certains d’entre eux, comme René Guy Cadou (1920-1951), Abdellatif Laâbi (né en 1942) ou Anise Koltz (1928-2023) par exemple ou parfois avec trop de précocité.

Il faut néanmoins reconnaître qu’au début des années 90, cette collection m’a permis de mettre la plupart des poètes devenus des classiques dans ma bibliothèque, et de découvrir aussi un certain nombre de nos meilleurs poètes contemporains qui figuraient alors dans certaines de leurs anthologies.


Après l'édition poche des Poèmes bleus de Georges Perros, titre initialement paru en 1962 dans la belle collection « Le chemin », c’est au tour du poète Christian Dotremont du mouvement COBRA d’y être mis prochainement à l'honneur, par le biais d’une anthologie, en janvier 2025.


Avant ça, on pourra toujours patienter avec la parution, le 21 novembre prochain, d'une anthologie des poètes femmes surréalistes que l’on découvrait jadis au compte-goutte, à l’exception peut-être de Joyce Mansour… Le mal est enfin réparé !

femmes-surréalistes- poesie

>> Tous les titres de la Collection Poésie/Gallimard

jeudi 10 octobre 2024

Philip K. Dick toujours aussi phénoménal !

Voici deux courts romans de Philip K. Dick que j'ai adorés dont le premier (posthume), Sur le territoire de Milton Lumky, que je relis, par bribes, régulièrement, depuis plusieurs années, et le second, Les joueurs de Titan, que j'ai acheté cet été.

philip-k-dick-sur le territoire de Milton Lumky

philip-k-dick-les joueurs de Titan


mercredi 25 octobre 2023

Farine, Vinau, Flahaut on the road pour la poésie...

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Début mars 2020, pour la 6e édition des lectures-rencontres poétiques de la Médiathèque départementale du Nord, j’invitais François de Cornière, à l’origine du courant de « la poésie du quotidien » dans les années 80, et Thomas Vinau
« chef de file » de la génération dite des poètes connectés apparu au milieu des années 2000, pour trois rendez-vous dans nos bibliothèques partenaires :
la prison de Douai, la Médiathèque départementale du Nord (Site d’Hellemmes-Lille) ainsi que la nouvelle Médiathèque « Louis Aragon » de Cuincy.

François dut hélas décommander à la toute dernière minute, victime d’une mauvaise grippe (qui s’avéra ensuite être la COVID). Jean Marc Flahaut puis moi-même le remplacèrent donc au débotté pour lire un choix de ses poèmes lors de deux de ces trois rencontres programmées.

Ce fut une semaine avant le grand confinement de mars 2020. Le midi, nous avions retrouvé la poétesse, Samantha Barendson, qui devait lire, quant à elle, aux mêmes dates, à la médiathèque de Feignies puis de Bavay, dans le Sud du Département.

Depuis, la poésie est toujours saine et sauve !

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© Photo Samantha Barendson, Lille, le 6 mars 2020.

mardi 29 mars 2022

Retour à No Man's Land


Plus de journal

de radio

de télé

je veux me désintoxiquer

de tout

ne penser à rien

rejoindre l'essence-ciel

la pierre infécondée

du silence

tout réapprendre

mot

après mot

me réapproprier

le souffle

chaque parole

chaque cri

qu'on nous a volés extorqués vidés de toute substance corporelle

essayant de nous

détourner de tout

en polluant ce monde

avec de la matière volatile

du virtuel

le pain des crédits

en bouche

la dramaturgie

du sport moderne

la tyrannie de l'inutile

on a rempli l'Homme

de tant de déserts insipides

qu'il étouffe

dans le sable de son cri

qu'il se nidifie

dans la nuit complète.

Éveillez-moi de ce cauchemar

ou jetez-moi par-dessus bord

d'un coup d'épaule

dans la barge du soleil

que je renaisse enfin

dans la chevelure

flamboyante

de mes amis.

© François-Xavier Farine, inédit, 11/03/2011.

mardi 25 janvier 2022

Je me souviens #14

boris-becker-wimbledon
Je me souviens du jour où, en plein midi, lors d'un tournoi de tennis adulte, sous une chaleur accablante, menant deux sets à rien, j'ai senti mes forces m'abandonner très brutalement avant de quasiment m'écrouler à l'entrée du Club House. L'après-midi, dans le lit-couchette de la caravane de mes parents, je délirais avec plus de 41° de fièvre, cela dura pendant deux jours. Quand j'ai repris mes esprits, Boris Becker alias « Boom Boom » brillait sur le central ensoleillé de Wimbledon avec son service si caractéristique : genoux pliés avant de cogner la balle, comme un ressort qui se détend. (Coup de chaud 1986)

© François-Xavier Farine, inédits (2011-....)

vendredi 24 décembre 2021

Je me souviens #11

chanson-francaise
Ce mercredi-là, un concours de Chanson Française avait été organisé par la Petite Cave au Théâtre Sébastopol de Lille. Des chanteuses et des chanteurs se produisaient alors sur scène. C’était le meilleur du pire. Le maître de cérémonie, un petit homme grisonnant, sorte de Jacques Martin local, en faisait des tonnes. Il avait même placé son poulain parmi les candidats, un Francis Cabrel de seconde zone en chemise à fleurs, qui avait copié jusqu’à la moustache de son idole. Un de mes amis, auteur-compositeur, figurait parmi le jury car, à cette époque, il cachetonnait pour la Petite Cave, en reprenant des chansons inédites de Brassens, pendant que les convives du restaurant se bâfraient allègrement, sans même y prêter attention.
Parmi les candidats, certains me marquèrent plus que d’autres. Notamment cette blonde aux formes plantureuses qui chantait trop fort sur une bande-son - comme toutes ces chanteuses à voix du moment, et un certain Chinaski qui avait chanté Bukowski et un « autoportrait au radiateur ». Après que le jury ait délibéré, je vis soudain mon pote s’éclipser de la scène par le rideau de derrière. Le maître de cérémonie annonça le résultat et tendit sans surprise le prix à son poulain. Les esprits s’échauffèrent rapidement. Des sifflets et des cris de désapprobation montèrent des quatre coins de la salle et, sur scène, les candidats ulcérés criaient à l’injustice et à la mascarade, et l’un d’entre eux avait même empoigné le maître de cérémonie en s’apprêtant à lui donner un solide coup de poing, comme dans une scène de saloon.
Avant que cela tourne au pugilat généralisé, je décidai de quitter le théâtre pour aller boire un coup dans le bar d’en face avec mon meilleur ami qui était moins dépité que moi,
par ce prix truqué, où le tenancier de ce cabaret-spectacle avait surtout voulu se faire un gros coup de pub, complètement manqué, et qui, en plus, avait certainement dû se solder par un savoureux œil au beurre noir. (Pas La Fine Fleur de la chanson française)

© François-Xavier Farine, textes inédits (2011-….)

mercredi 10 novembre 2021

J’espère (quelque part) qu’elle lira ce poème… #11


Je n’ai jamais parlé d’elle
avant
de la première amoureuse
j’avais juste dix ans
c’était une petite brune, vive,
au teint hâlé.
De jolis grains de beauté
constellent son visage.
Le dernier soir
- c’est la boum de fin de colo -
toutes les filles ont été maquillées
pour l’occasion
par Babeth et Marie-Agnès
(nos monitrices).
Delphine est la plus belle
elle sourit tout le temps
avec ses souliers vernis
sa petite robe blanche
à liserés bleus
on danse des rocks endiablés
avec elle j’apprends vite et je la vois
tourner sur le carrelage de cette salle de classe
comme une petite tornade bleue
puis dans ce couloir
aux porte-manteaux dépareillés
avant de se quitter
à la nuit tombée
on se fait un smack merveilleux.
Son père, Dédé, est mon dirigeant
de foot depuis quelques années
affable et discret
derrière sa moustache docile.
Un an plus tard
Delphine est morte
dans un accident de la route.
Je suis à Ennevelin dans la foule
des enfants endeuillés
je porte un lourd géranium de fleurs
plus lourd que moi
personne ne sait
personne n’a jamais su
(sauf Cyril et Merguez
mes deux meilleurs amis)
après j’ai décidé de vivre deux fois
plus fort deux fois plus vite
et d’embrasser chaque jour le sourire de l’univers
jusqu’à plus soif
avec son souvenir planté comme une fleur incandescente
dans le ciel bleu de ma tête.

mardi 5 octobre 2021

C’est difficile

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À Albane Gellé et Emmanuelle Le Cam,

deux poétesses que j’aime bien, depuis fort longtemps, et dont je n’ai pourtant jamais parlé dans mes diverses chroniques.

C’est difficile
de capter l’air du temps
de garder le moral
de chier en silence
au travail
de dire oui à toutes les injustices
qui peuvent nous tomber
parfois au coin de la gueule
ou au coin du prochain trottoir
rempli de graviers
C’est difficile d’être bientôt
éconduit par la jeunesse
de ne pas être épargné
non plus par la vieillesse
qui pointe
emmanuelle-le-cam-les-nus
déjà le bout de
son nez
c’est difficile de courir
moins vite qu’avant
et de rire malgré tout
malgré les courbatures
et les crampes au réveil
souvent trop matinal
pour être vrai
c’est délicat d’en parler
face à toute cette jeunesse exubérante
et si belle qu’on croise
dans les rues piétonnes de la ville
éclatante.

samedi 28 août 2021

Les pensées à géométrie variable de Félix Faricton

tarzan


(Hommage en Jean L’Anselme)

 Il ne faut pas prendre les choses avec le dos de la cuillère. Les gens encore moins.

*

Mon fils fait du feu avec deux pierres comme les premiers hommes. À chaque fois, c’est bouleversant, car nous pourrions être les derniers.

*

C’est fou comme je suis heureux en ce moment, je passe mon temps à rédiger des pensées qui me seront certainement enviées plus tard. Je suis un auteur prophétique, mais faut pas trop exagérer non plus !

*

Quel est le con qui a inventé les tondeuses et les tronçonneuses qui fonctionnent les week-ends et jours fériés ?

*

 Jésus est encore ressuscité. J’espère que ça ne va pas donner des idées à Macron !

*

J’aime beaucoup le vélo. Surtout quand je suis parfaitement positionné devant ma télé.

*

 J’adore cette expression : « Un vent à décorner les cocus ». Si j’en étais un, je ne sais pas si ça me ferait le même effet.

*

À la fin de sa vie, Johnny Weissmuller (alias Tarzan) a été interné. Il continuait à pousser son célèbre cri d’homme-singe dans les couloirs de l’asile. On pense qu’Il ne voulait pas qu’on oublie qu’il avait été le premier super-héros en noir et blanc de notre jeunesse.

*

T’as un mouchard dans ton ordi que tu ne me réponds pas, du con !

*

De près ou de loin, les primes de travail sont toujours passées dans mon cul.

*

Mon téléphone sonne. C’est une bonne chose. Il peut continuer de sonner longtemps. C’est toujours à moi de le décrocher.

*

Devant chez moi, les voitures ne cessent de passer. C’est fatigant à la fin.

*

Mon horizon : un ciel gris couturé de pylônes, lézardé de fils électriques, de maisons de briques aux tuiles dépareillées. Pas de quoi en faire un poème non plus.

*

Happening de poésie

Je vais bientôt réaliser des performances poétiques où je frapperai plus fort que mes prédécesseurs : il n’y aura plus de texte du tout, juste des borborygmes savamment orchestrés par des bruits de pet. Puis je conclurai ma prestation par un équilibre parfaitement exécuté, tête dans la boue et la bite au vent.

*

Aujourd’hui, je ne suis pas inspiré. Il vaut peut-être mieux que j’aille boire un coup chez le voisin.

*

Quand j’écris, je ne lis plus. Quand je lis, je n’écris plus. C’est un drame quotidien.

*

Je suis un drôle d’esthète de l’écriture. Parfois même un esthète de con ou un esthète de l’art.

*

J’aime les femmes culottées, mais aussi sans.

*

Mon voisin a une belle maison. Et si j’osais vous faire une confidence, je dirais même que je préfère sa maison à sa tête.

*

 L’ère des compte-rendus

C'est la nouvelle ère des compte-rendus. Tant de comptes-rendus en si peu de temps, de frénétiques doigts qui frétillent sur leurs petits claviers que, bientôt, on ne saura plus dans quel compte-rendu on avait écrit cela et, du coup, on perdra un temps infini à rechercher cette phrase dans un de ces fichus compte-rendus. Je pense que le plus judicieux serait d'écrire un nouveau compte-rendu qui rendrait aussitôt inefficace voire caduque tous les anciens compte-rendus !

*

 Un écrivain qui réfléchit, ça fait du bien !

*

 Conseil à un jeune poète : N’écoute pas les poètes vermoulus d’hier !

*

Balzac disait : « Une nuit d’amour, c’est un livre de moins. » C’est bien pour ça que je ne serai jamais Balzac !

*

Je suis allé dans la plus petite galerie du monde hier, je n’ai pas trouvé la sortie.

*

Le progrès technique ?

Avant j’écrivais beaucoup de lettres à mes amis. Quand je les appelais au téléphone, ils répondaient tout de suite. Depuis l’invasion des répondeurs, puis des téléphones portables, on se répond par messages interposés, plusieurs jours après, en différé.

*

Si Sartre revenait, il écrirait sans doute aujourd’hui : « L’existentialisme est un humerdisme. »

*

J’espère encore publier des livres mais qui les lira et, surtout, qui les chroniquera ?

*

Un écrivain qui réfléchit, ça fait du bien. Un écrivain qui écrit, c’est encore mieux !

*

Je suis déjà génétiquement modifié par la connerie ambiante.

*

En Chine, il est même interdit de rire jaune. Par contre, en Russie, si on défie le pouvoir en place, on saigne aussi rouge.

*

Limoges : leur ado de 15 ans refuse de débarrasser la table, les parents appellent la police.

*

Il ne s’agit pas d’être pour ou contre » dit le chef. « Cela nous est imposé. ». « Ni Dieu ni Maître » est un slogan qui n’a jamais eu autant de plomb dans l’aile qu’aujourd’hui.

*

J’ai oublié la citation que je devais écrire aujourd’hui. Je vais tout de suite passer à la suivante.

*

(Inédits, 2021 à ....)

mardi 29 juin 2021

goutte d'eau

goutte-d-eau
Tu aimerais écrire un poème
tout petit
comme une goutte d’eau
très pure
puis tu le ferais rouler délicatement
dans la paume de ta main
pour les autres

Quand tu cours
tu voudrais effacer la vitesse
du paysage
un peu comme quand tu prends le train
pour nulle part

Des murs se sont effondrés
derrière toi
devant toi
tu te tiens toujours debout

Ciel bleu
parfait
sans nuage
tu voudrais être un morceau de ce ciel
parfois

un gros caillou lisse et blanc
ou les branches d’un arbre graciles
qui frissonnent dans le vent

un poème de Thierry Metz
nu, pauvre et minéral

C’est ça que tu aimerais être

l’herbe et le soleil en même temps

une nuée de tourterelles qui vole

dans l’été qui éclate

dans la lumière

dans la poussière de l’été

dans le lit fruité et ombragé de la rivière.

(François-Xavier Farine, inédit, juin 2021.)

vendredi 18 juin 2021

J’espère qu’elle lira ce poème… #10

AST-1983
Elle avait des cheveux
mi-longs 
châtains
de beaux petits seins ronds
son frère était le gardien
de but de mon équipe
dès qu’il a su
que j’étais avec sa sœur
il m’avait mis en garde
(d’ailleurs)
comme un grand frère précautionneux
elle m’a surpris plus d’une fois
par son étonnante douceur
qu’elle cachait sous l’exubérance
de ses rires
On roulait parfois dans l’herbe
d’un champ
aujourd’hui disparu
près de la caserne
des pompiers
quand j’allais la chercher
en bicross
à deux pas du terrain de foot
je mettais la gomme sur cette route
qui faisait des lacets heureux
Une fois c’est sa mère qui
m’a ouvert la porte
sans gêne, sans humeur                         
et sans peur non plus
J’ai bien aimé aussi
ce moment-là
quand je l’ai vue arriver
dans l’embrasure de la porte
de ma jeunesse
éblouie
je l’ai revue l’an dernier
lors d’un tournoi
dans mon village
avec mon fils dans les bras
trente-trois ans après
elle n’a pas osé me parler
moi non plus
son sourire très discret
a pourtant retenti
de toute sa force
sur nos quinze ans révolus
sur cette adolescence de feu
qui n’a jamais menti.

jeudi 6 mai 2021

J’espère qu’elle lira ce poème… #9

fille-j-espere
(à Jean Marc Flahaut.)

Ça a commencé comme un contretemps
entre nous
j’avais été invité chez sa meilleure copine
qui en pinçait pour ma pomme
dans un appartement exigu
dont la fenêtre donnait sur un cimetière
près d’une voie ferrée
elle avait un rire pétillant
et sirotait un cocktail
à la paille en se délectant
elle était blonde et féminine
avait du tempérament
le genre de nana
qui savait toujours ce qu’elle voulait
elle travaillait comme stagiaire dans une grande entreprise
de cosmétiques
elle adoptait une posture qui la durcissait
j’aurais préféré qu’elle
s’attendrisse un peu (je pensais)
elle était fine, nerveuse,
un peu speed parfois, piquante aussi
elle pratiquait la gym tonique
et la musculation
et était particulièrement fière
de me montrer ses petits bras musclés
quand elle soulevait son pull
où tintaient ses bracelets d’argent
en riant
on parlait régulièrement
au téléphone
mais je n’arrivais pas vraiment
à briser la glace de ses sentiments
comme une bête craintive
elle paraissait
souvent sur la défensive
Nous étions allés au restau
puis sortis tard dans la nuit
je n’ai pas ressenti le déclic attendu
(et j’étais triste de ça)
c’était pourtant une super fille
(j’en reste persuadé)
même si la semaine suivante
quand je l’ai recroisée fortuitement
dans un bar de nuit de la ville
elle m’a interpellé vigoureusement
en me prenant le bras
relevant une mèche de ses cheveux
et en plantant son regard bleu clair dans mes yeux :
« Alors, comment tu vas ?
tu ne sais toujours pas
ce que tu veux ! »

mardi 4 mai 2021

J’espère qu’elle lira ce poème… #8

course-femme
Elle était musclée, jolie,
un grain de beauté
à la commissure des lèvres
elle venait de terminer ses études d’infirmière
avec toute sa vie ravie
mais incertaine devant elle
chaque dimanche on courait
ensemble au lac
on se donnait rendez-vous
sur le parking
près du musée d’Art moderne
avant de dévaler la pente
vers des bois profonds
qui donnait sur la clairière
où des tireurs à l’arc
aguerris
décochaient des flèches
dans des cibles de paille
Un jour, elle m’a téléphoné
pour que je vienne la voir
au dispensaire où elle travaillait
Je n’étais pas de pierre
bien sûr
Délaissée, cet été-là,
elle m’avait pris par la taille
délicatement en glissant ses mains
derrière mon dos
mais c’était difficile
pour moi
tu étais quand même
la femme d’un copain.

vendredi 16 avril 2021

Cher François : Ça tient à quoi ?

de-corniere-ca-tient-a-quoi


Au milieu des années 2000, je t'avais écrit une lettre.

La première, sans doute, où je te taquinais.

Parce que Patrice Delbourg m'avait dit

que tu avais cessé d'écrire.

Et ça m'avait peiné bien sûr

d''apprendre ça

et je voulais t'écrire

pour en avoir le cœur net

Parce que

comme d'autres

j'avais tellement vécu

dans « la compagnie de tes poèmes »

(pour reprendre un mot de René Char

dans une réponse à Lucien Becker)

que je ne pouvais pas y croire…

Et ça t'avait chagriné d’ailleurs

ou plutôt mis un peu en pétard.

(Comment pouvait-on dire cela ?)

Tu m'avais alors répondu avec ta belle écriture

au feutre noir :

«  j'ai des mots, des idées qui me viennent encore

parfois

quand je pêche

de temps en temps

et que je laisse courir au fil

de l'eau… »

J'aimais bien cette idée-là

que la poésie pouvait nous échapper

comme un beau fleuve tranquille

qu'elle n'avait pas forcément

besoin de nous

pour exister

qu'elle pouvait revenir

à la terre

à la nature

aux choses premières

en quelque sorte

et continuer d’exister seule

sans l'intervention du poète

continuer à vivre

ailleurs

loin de lui (mais pas tant que ça en fait)

dans le bel éclat lumineux

d’une partie de pêche matinale

( courant / clapotis / amorce / fouetté de canne à pêche

touches fines ou plutôt franches, avec l’épuisette tout au bord de la berge. )

où le bouchon se fiche pas mal

du temps qui passe

pour juste demeurer

dans l’éternité paisible de l’instant.

jeudi 11 mars 2021

J’espère qu’elle lira ce poème… #7

carnet
Elle s’appelait Laure
je ne me souviens plus du tout
d’elle sinon qu’elle était de Montpellier
elle était douce et discrète (avec
des yeux couleur de jais)
me souriait avec parcimonie
me rassérénait même parfois
sans le savoir
l’année précédente elle était
sortie avec un de mes potes
Jean-Marc Pottier
de Coudekerque/Branche
je pense qu’on s’aimait bien
sans oser se le dire
je pense que j’ai loupé
le coche comme on dit
surtout quand je me suis
retrouvé, seul avec elle,
dans la grande tente de camping
familiale
d’un ami dont les parents
étaient partis ailleurs
boire l’apéro chez les voisins
d’autres dunkerquois
du camping sans doute
nous étions intimidés
tous les deux ce jour-là
n’avions pas apprécié
non plus qu’on tâche
de nous forcer la main
comme si on avait voulu nous
voler ce moment
précieux
où la douceur d’être ensemble
nous suffisait
j’ai gardé ses nom-prénom
dans un petit carnet
déchiré par le temps
(c’est dire qu’elle a dû
compter, elle aussi)
et cette page-là, pourtant, depuis,
a disparu
mais son souvenir, lui, s’est accroché
obstinément,
beau et impérissable,
au-delà de ce vieux carnet défraîchi.

lundi 8 mars 2021

J’espère qu’elle lira ce poème… #6

fille-6
Elle m’avait invité à un feu de camp
pour le départ de ses amis
Elle m’avait dit de venir la retrouver
là-bas
je buvais un verre au restau-lac
ce soir-là et mes meilleurs amis
sentaient bien qu’il
se passait alors quelque chose
de plus grand que moi
quand je suis arrivé elle m’attendait
accroupie près du feu
tout semblait prédestiné entre nous
et si un jour parfait avait existé
sur Terre il me semble alors que c’était
celui-là et pas un autre
Elle m’a dit je n’ai pas envie de rester ici
très longtemps
viens on s’en va et on est parti tous les deux
dans la nuit sur cette route qui montait
sous les lampions du soir
où résonnait encore le rire de mes amis                       
Ils l’ont tout de suite acceptée
elle était si naturelle et si joviale
en même temps
une évidence pour moi
que l’amour nous sublimait
ce soir-là et pour tous mes amis d’ailleurs
je la revois brune et bronzée
elle est fixée pour toujours
dans l’éternité de l’instant
avec ses beaux yeux marrons
ses longs cheveux très fins
son short en jean et ses petites baskets
blanches
et cette manière si féminine
de croiser les jambes avec grâce
comme une ancienne danseuse classique
qu’elle avait été
je l’avais raccompagnée
jusqu’à son bungalow
dans la douceur inoubliable
de juillet
(où les lumières des lampadaires
n’empêchaient pas les étoiles de briller)
elle m’avait lancé sur le pas de la porte
avec impatience
et surtout beaucoup d’aplomb
tandis que je n’en finissais pas d’allonger le temps
Bon, on va peut-être s’embrasser maintenant, non ?
(qu’est-ce que tu en dis ?)
Cet amour-là quand j’y repense
vraiment
je n’ai jamais pu cesser de l’oublier.

mardi 2 mars 2021

Serge Gainsbourg, Ecce Homo (1928-1991)

serge-gainsbourg
© Photo Gainsbourg - Tony Frank
Tout le monde parle de Serge Gainsbourg. Je crois que c’est grâce à mon frangin que je l’ai connu même si son personnage d’artiste et de provocateur ne me laissait jamais indifférent à tel point que je scrutais chacune de ses apparitions dans toutes les émissions télé de l’époque.
Ma mère avait son 45 Tours sulfureux, où Jane B. émet des râles de plaisir…  et beaucoup plus tard encore, dans sa Renault 5 jaune citron, elle mettait, volume à fond, « Love on the Beat » et « Lemon Incest » en me déposant, confus, devant le passage piéton de la petite Coop, près de la gare du village, sous le regard ahuri des passants.
Un jour, je pique
le Live 86 de Gainsbourg au Casino de Paris dans les caisses de disques de mon frère, sous la table de mixage et les deux platines, sur laquelle l’artiste pose, l’air suffisant, chemise ouverte dans une pose statuaire.
Dans ma petite chambre au-dessus du garage, quand je pause le saphir de ma chaîne hifi Hitachi sur le microsillon du 33 Tours, c’est le choc, la vraie révélation : la puissance des mots et un univers poétique moderne, à part entière, qui rentre en alchimie totale avec la musique. Sorry Angel, I’m the boy, Dépression au-dessus du jardin, Marilou sous la neige, Oh my lady héroïne…
En avril 1988, j’ai 16 ans. Je suis dans la fosse de la Foire commerciale de Lille, où j’assiste au concert de Serge Gainsbourg de la tournée de l’album « You’re under Arrest » où il est accompagné de plusieurs musiciens américains hallucinants, dont un bassiste black qui a le funk dans la peau et frappe les cordes de son instrument avec la technique du tapping…
J’y retrouve aussi, avec étonnement, dans la foule chahutée des premiers rangs, Anne-Sophie Serré, une des plus jolies filles de ma classe de Lycée ! Mais je prends la mouche quand Gainsbourg, s’allumant clope sur clope, avec son briquet zippo, entre deux chansons, dans un nuage de fumée, lance dans notre direction :
« Ça va les pisseuses, les pisseux ! » alors que c’était mon dieu, me faisant soudainement trébucher du piédestal de cette adolescence dorée.
(Sacré Gainsbourg)