Je n’ai jamais parlé d’elle
avant
de la première amoureuse
j’avais juste dix ans
c’était une petite brune, vive,
au teint hâlé.
De jolis grains de beauté
constellent son visage.
Le dernier soir
- c’est la boum de fin de colo -
toutes les filles ont été maquillées
pour l’occasion
par Babeth et Marie-Agnès
(nos monitrices).
Delphine est la plus belle
elle sourit tout le temps
avec ses souliers vernis
sa petite robe blanche
à liserés bleus
on danse des rocks endiablés
avec elle j’apprends vite et je la vois
tourner sur le carrelage de cette salle de classe
comme une petite tornade bleue
puis dans ce couloir
aux porte-manteaux dépareillés
avant de se quitter
à la nuit tombée
on se fait un smack merveilleux.
Son père, Dédé, est mon dirigeant
de foot depuis quelques années
affable et discret
derrière sa moustache docile.
Un an plus tard
Delphine est morte
dans un accident de la route.
Je suis à Ennevelin dans la foule
des enfants endeuillés
je porte un lourd géranium de fleurs
plus lourd que moi
personne ne sait
personne n’a jamais su
(sauf Cyril et Merguez
mes deux meilleurs amis)
après j’ai décidé de vivre deux fois
plus fort deux fois plus vite
et d’embrasser chaque jour le sourire de l’univers
jusqu’à plus soif
avec son souvenir planté comme une fleur incandescente
dans le ciel bleu de ma tête.
Ce blog est un laboratoire à ciel ouvert. Vous y trouverez des textes, articles et notes de lectures sur la poésie d'aujourd'hui. Succédant à « Poebzine » (2010-2016), il poursuit la belle aventure du feu.
mercredi 10 novembre 2021
J’espère (quelque part) qu’elle lira ce poème… #11
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