samedi 24 avril 2021

Pauvre H. de Jean-Pierre Georges

 Un nouveau livre de Jean-Pierre Georges, c'est toujours pour moi un événement à ne pas rater !

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Paru aux éditions Tarabuste en avril 2021.

Coll. Doute B.A.T. - 220 pages
16 € (+2,50€ de frais de port.)

>> Acheter le livre aux éditions Tarabuste sur la librairie en ligne

vendredi 16 avril 2021

Cher François : Ça tient à quoi ?

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Au milieu des années 2000, je t'avais écrit une lettre.

La première, sans doute, où je te taquinais.

Parce que Patrice Delbourg m'avait dit

que tu avais cessé d'écrire.

Et ça m'avait peiné bien sûr

d''apprendre ça

et je voulais t'écrire

pour en avoir le cœur net

Parce que

comme d'autres

j'avais tellement vécu

dans « la compagnie de tes poèmes »

(pour reprendre un mot de René Char

dans une réponse à Lucien Becker)

que je ne pouvais pas y croire…

Et ça t'avait chagriné d’ailleurs

ou plutôt mis un peu en pétard.

(Comment pouvait-on dire cela ?)

Tu m'avais alors répondu avec ta belle écriture

au feutre noir :

«  j'ai des mots, des idées qui me viennent encore

parfois

quand je pêche

de temps en temps

et que je laisse courir au fil

de l'eau… »

J'aimais bien cette idée-là

que la poésie pouvait nous échapper

comme un beau fleuve tranquille

qu'elle n'avait pas forcément

besoin de nous

pour exister

qu'elle pouvait revenir

à la terre

à la nature

aux choses premières

en quelque sorte

et continuer d’exister seule

sans l'intervention du poète

continuer à vivre

ailleurs

loin de lui (mais pas tant que ça en fait)

dans le bel éclat lumineux

d’une partie de pêche matinale

( courant / clapotis / amorce / fouetté de canne à pêche

touches fines ou plutôt franches, avec l’épuisette tout au bord de la berge. )

où le bouchon se fiche pas mal

du temps qui passe

pour juste demeurer

dans l’éternité paisible de l’instant.

jeudi 15 avril 2021

Thierry Metz (1956-1997)

« Pour moi, la poésie est une évidence. Mais je crois que pour beaucoup de gens, elle représente un bloc, une sorte de montagne insurmontable parce que l'époque ne comprend pas qu'elle est capable d'accueillir la poésie, de la vivre en elle. Les gens ne vivent que des difficultés ; on les oblige à ne vivre que du dérisoire, du passager, de l'éphémère comme si cette autre vie n'avait pas de valeur ou n'en avait que très peu par rapport à du travail ou à des relations conventionnelles. Je crois que c'est cette difficulté-là que les gens n'arrivent pas à surmonter devant la poésie qui est un bateau en liberté, un bateau ivre », livrait-il sur les ondes de Radio Bulle à Agen, en 1990.

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Thierry Metz, 18 février 1990.
© photo Françoise Metz

samedi 3 avril 2021

Les poèmes de Leonard Cohen en collection Points

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Édition Collector, 2017
9,90 €


Le Printemps des Poètes vient de se terminer il y a quelques jours et, afin de ne pas faillir à ma réputation d'être constamment en retard, il est temps pour moi d'ajouter ma patte à cette édition 2021 au thème fort prometteur : le désir.

Parfois le hasard fait bien les choses, car trônait sur ma bibliothèque, me narguant dans son édition poche dite « de luxe », Le livre du désir de Leonard Cohen (1934-2016).

Posons le contexte dès le départ, afin d'éviter tout quiproquo : Musicalement parlant, je suis nettement plus sensible au Gaba Gaba Hey des Ramones, à la démesure de Janis, qu'à la voix nasillarde de Bob Dylan... ou au folk de ce cher Leonard dont il est question. Cependant, il me faut constater qu'avec l'âge, j'ai aimé le sieur, car l'homme avait su vieillir... et moi aussi (Mais désolée, Bob, malgré ton prix Nobel de littérature, je ne parviens toujours pas à entendre ta voix sans saigner des oreilles ).

Bref et donc, au gré d'une visite en librairie, je me suis laissée séduire par ce poche tout emprisonné dans sa vierge de fer éditoriale... le désir d'en savoir plus sur le bonhomme s'étant emparé de moi.

De Leonard Cohen, je savais, comme tout un chacun, qu'il avait été amoureux de Marianne (et avais d'ailleurs versé quelques larmes en lisant l'émouvante lettre d'adieu qu'il lui avait écrite à l'approche de son décès), je savais qu'il avait vécu plusieurs années dans une retraite zen, qu'il était juif, peintre, auteur et interprète d'« Hallelujah » que ma génération a connue grâce à Jeff Buckley... et désormais mort.

Lire Le livre du désir, c'est embrasser l'âme entière de Leonard Cohen et découvrir son intimité et sa personnalité, avec toute la complexité et les paradoxes qui font un être humain.

Avec un style d'une simplicité exemplaire, un humour et un sens de l'autodérision réjouissant, doublé d'une sombre gravité,  les quelques 200 poèmes et chansons qui composent le recueil nous parlent avant tout d'amour, de désir, d'écriture, de résistance, mais aussi du fait de vieillir, de Di-u (celui qu'on ne nomme pas) et de solitude.

L'auteur s'y révèle en grand sage bancal de la vie, doté d'une mélancolie douce et ravageuse.

Les courts poèmes, proches du haïku, sont accompagnés de dessins tout aussi concis et expressifs, comme si tout l'art de Leonard Cohen résidait dans l'instant qu'il faut saisir, car sa fuite est inéluctable. En quelques traits précis, il esquisse son visage de Droopy vieillissant, les courbes du corps de sa jeune amante, un oiseau, sa guitare.

Tout est profond et léger dans ce recueil, et il s'en dégage une impression de sagesse et de plénitude torturée, à l'image de l'Œuvre complète et de la personnalité de l'auteur.

Maintenant que ma mission 

Vient à se terminer

Priez qu'on me pardonne

La vie que j'ai menée

Le Corps que je pourchassais

Lui aussi me pourchassa

Mon désir est un lieu

Mon agonie une voile


Vingt-deux de ces poèmes ont été enregistrés par Leonard Cohen et Philip Glass, sous le titre Book of longing.