vendredi 19 novembre 2021

Un monde parfait / Les Innocents

On a des bibles
des hymnes, des icônes
le jour du Seigneur
Enghien, Silverstone
tout un nuancier
l'homme invisible
et celui de vingt heures
les chanteurs
les cercueils, les cyclones

le convertible
les membres inférieurs,
comme le cœur
on cherche un emploi
tout reste plié
cette idée terrible
en nos douillets intérieurs
d'aujourd'hui devenu autrefois
humain de métier

C'est un monde parfait
de Papeete jusqu'à l'au-delà
c'est un monde parfait
on pourrait imaginer vivre là

l'inaccessible
une étoile meilleure,
trouver l'âme sœur
au-dessus de l'ozone
une branche éloignée
un combustible
brûler nos pesanteurs
vus d'ailleurs
on est tous autochtones
humain de métier

C'est un monde parfait
presqu'aussi parfait qu'il est plat
c'est un monde parfait
mais on est bien au-dessus de ça

vus d'ailleurs
on est tous autochtones
humain de métier

C'est un monde parfait
le vent souffle, on ne bouge pas
c'est un monde parfait
on s'en ira, le vent restera
un monde parfait...


Paroliers : Jean-Christophe Urbain / Jean-Philippe Nataf
Paroles de « Un monde parfait » © BMG Rights Management, BMG Rights Management (France).

vendredi 12 novembre 2021

À la piscine avec Norbert de Véronique Pittolo

véronique-pittolo-à-la-piscine-avec-norbert
Seuil, 2021. - (Cadre rouge)
17 Euros

« À cinquante ans, il faut faire des efforts pour atténuer les petites rides qui commencent à se voir, les trucs embarrassants des cabines d’essayages. », c’est ce que pense l’héroïne de ce roman qui pratique la natation quotidienne et tchate sur les sites de rencontre, où elle fait la connaissance de Norbert, type pathétique, plutôt primaire, à la libido galopante, avec lequel elle s’entend bien, malgré ses avis tranchés.

Avec Norbert, elle parle de tout : sexe, genre, politique, problèmes sociaux… tandis que ses autres partenaires sont plutôt flottants.
À force de dos crawlé et de clics compulsifs pour multiplier les partenaires occasionnels, elle se sent libre et épanouie. Ce qui ne l’empêche pas de divaguer et de refaire le monde !

Poétesse née en 1960, Véronique Pittolo propose un roman féministe enjoué et de « sexe drôle » à tournure sociologique qui fait beaucoup de bien.

(Le poète belge, Daniel Fano, avec lequel j'ai correspondu pendant plusieurs années, me disait beaucoup apprécier cette poétesse et notamment son livre, Ralentier Spider, paru en 2008 aux éditions de l'Attente.)

mercredi 10 novembre 2021

J’espère (quelque part) qu’elle lira ce poème… #11


Je n’ai jamais parlé d’elle
avant
de la première amoureuse
j’avais juste dix ans
c’était une petite brune, vive,
au teint hâlé.
De jolis grains de beauté
constellent son visage.
Le dernier soir
- c’est la boum de fin de colo -
toutes les filles ont été maquillées
pour l’occasion
par Babeth et Marie-Agnès
(nos monitrices).
Delphine est la plus belle
elle sourit tout le temps
avec ses souliers vernis
sa petite robe blanche
à liserés bleus
on danse des rocks endiablés
avec elle j’apprends vite et je la vois
tourner sur le carrelage de cette salle de classe
comme une petite tornade bleue
puis dans ce couloir
aux porte-manteaux dépareillés
avant de se quitter
à la nuit tombée
on se fait un smack merveilleux.
Son père, Dédé, est mon dirigeant
de foot depuis quelques années
affable et discret
derrière sa moustache docile.
Un an plus tard
Delphine est morte
dans un accident de la route.
Je suis à Ennevelin dans la foule
des enfants endeuillés
je porte un lourd géranium de fleurs
plus lourd que moi
personne ne sait
personne n’a jamais su
(sauf Cyril et Merguez
mes deux meilleurs amis)
après j’ai décidé de vivre deux fois
plus fort deux fois plus vite
et d’embrasser chaque jour le sourire de l’univers
jusqu’à plus soif
avec son souvenir planté comme une fleur incandescente
dans le ciel bleu de ma tête.