© Photo Gainsbourg - Tony Frank |
Ma mère avait son 45 Tours sulfureux, où Jane B. émet des râles de plaisir… et beaucoup plus tard encore, dans sa Renault 5 jaune citron, elle mettait, volume à fond, « Love on the Beat » et « Lemon Incest » en me déposant, confus, devant le passage piéton de la petite Coop, près de la gare du village, sous le regard ahuri des passants.
Un jour, je pique le Live 86 de Gainsbourg au Casino de Paris dans les caisses de disques de mon frère, sous la table de mixage et les deux platines, sur laquelle l’artiste pose, l’air suffisant, chemise ouverte dans une pose statuaire.
Dans ma petite chambre au-dessus du garage, quand je pause le saphir de ma chaîne hifi Hitachi sur le microsillon du 33 Tours, c’est le choc, la vraie révélation : la puissance des mots et un univers poétique moderne, à part entière, qui rentre en alchimie totale avec la musique. Sorry Angel, I’m the boy, Dépression au-dessus du jardin, Marilou sous la neige, Oh my lady héroïne…
En avril 1988, j’ai 16 ans. Je suis dans la fosse de la Foire commerciale de Lille, où j’assiste au concert de Serge Gainsbourg de la tournée de l’album « You’re under Arrest » où il est accompagné de plusieurs musiciens américains hallucinants, dont un bassiste black qui a le funk dans la peau et frappe les cordes de son instrument avec la technique du tapping…
J’y retrouve aussi, avec étonnement, dans la foule chahutée des premiers rangs, Anne-Sophie Serré, une des plus jolies filles de ma classe de Lycée ! Mais je prends la mouche quand Gainsbourg, s’allumant clope sur clope, avec son briquet zippo, entre deux chansons, dans un nuage de fumée, lance dans notre direction :
« Ça va les pisseuses, les pisseux ! » alors que c’était mon dieu, me faisant soudainement trébucher du piédestal de cette adolescence dorée. (Sacré Gainsbourg)
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