lundi 27 janvier 2020

Maxence Van der Meersch (1907-1951), écrivain du Nord, corps et âme

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Maxence Van der Meersch est né à Roubaix le 4 mai 1907.

Son père Benjamin, négociant en matériaux, fonde avec son frère Georges les Établissements Vandermeersch frères mais leur affaire tourne court ; Benjamin doit se réfugier en Belgique afin d’éviter d’éventuelles poursuites. Le couple que formait Benjamin et son épouse Marguerite Van der Meersch en pâtit : il se sépare.

Marguerite, l’épouse dure et cupide, qui a ouvert un cabaret puis une épicerie, reprend leur fille aînée, Sarah, sous son toit. Le petit Maxence est confié  à la garde de son père, dès son retour à Roubaix, rue de l’Épeule. Pour son fils, Benjamin fera désormais preuve d’une attention sans bornes, s’attachant à faire de lui « un grand homme ».

Le 3 août 1914 : la guerre est déclarée. La tragédie étreint toute l’Europe. Le Nord de la France est envahi.
Pendant l’Occupation, la population roubaisienne souffre de misère et de privations.
Plus tard, Maxence tirera de cette période douloureuse de son enfance toute la substance de
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son livre Invasion 14. Le critique René Lalou saluera ce « poignant témoignage, cette puissante fresque où l’auteur montre avec une sobre émotion comment le drame collectif a provoqué les tragédies intimes ». Un premier drame personnel ébranlera le jeune Maxence à la fin de la guerre : Sarah Van der Meersch, la sœur aimante, frappée de tuberculose, meurt à 19 ans. Maxence entre en 1920 au lycée Gambetta de Tourcoing. C’est un adolescent brillant quoiqu’indiscipliné. Pierre Jourda, jeune professeur de français, le remarque et lui fait découvrir Zola. Il l’incite même à consigner ses descriptions de paysages et de personnages. Grâce à lui, l’apprenti écrivain est en marche.

En 1925, la firme paternelle a prospéré et s’installe 6 rue Favreuil à Croix.
Maxence obtient son baccalauréat et… une moto qu’il enfourche pour, le cœur aventureux, sillonner la campagne, de la côte dunkerquoise aux Monts des Flandres.

Après avoir entrepris des études de droit et de lettres, il rencontre en 1927 une jeune ouvrière, Thérèze Denis, qui l’émeut. Elle deviendra La Fille pauvre de ses romans, dont il racontera l’enfance et la vie malheureuses dans un triptyque composé de Le Péché du monde (1934), Le Cœur pur (1948) et La Compagne (1955).
Malgré l’opposition farouche de son père, Maxence et Thérèze s’installent dans une petite maison, à Wasquehal, puis au 82 rue de Wasquehal à Mouvaux. Les temps sont durs pour le jeune couple… mais rien n’est assez fort pour contrarier leur union.

À la faculté de Lille, Maxence Van der Meersch se lie d’amitié avec l’artiste Simons. Celui-ci collabore au journal des étudiants dont Van der Meersch est rédacteur en chef.
Licences de droit et de lettres en cours, Maxence songe à devenir avocat ou professeur… tandis que Thérèze continue de travailler à l’usine. Un bonheur éclaire bientôt la vie du couple : leur fille, Sarah, naît le 10 février 1929.

Un romancier populaire et prolifique

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Dans les années 30, une période d’intense écriture occupe Maxence Van der Meersch. Il publie neuf romans : La Maison dans la dune, Car ils ne savent ce qu’ils font..., Quand les sirènes se taisent, Le Péché du monde, Invasion 14, Maria Fille de Flandre, L’Empreinte du dieu, L’Élu et Pêcheurs d’hommes.
Il connait le succès très tôt, dès 1932, avec son roman La Maison dans la dune qui sera ensuite adapté au cinéma.
Maxence n’a que 25 ans. De ses romans, c’est sans doute le plus accessible, le plus épique et aussi le plus haletant. En cette année faste, Maxence Van der Meersch manque également de peu le prix Renaudot avec Quand les sirènes se taisent ; il termine aussi, brillamment, sa licence de Lettres.

«... le Mont-Noir, Anvers, la Hollande, Bruges… autant d’échappées qui vont nourrir l’œuvre et enraciner plus profondément encore l’amour de Maxence pour cette terre du Nord et de Flandre... »

Les voyages et les vacances égaient toutefois cette vie harassante où il faut préserver les périodes de repos nécessaires à l’écrivain : le Mont-Noir, Anvers, la Hollande, Bruges… autant d’échappées qui vont nourrir l’œuvre et enraciner plus profondément encore l’amour de Maxence pour cette terre du Nord et de Flandre qui transpire si fort dans la description de ses paysages.

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En 1934, Maxence s’inscrit au barreau de Lille où il ne plaidera guère. En septembre 1936, le couple, marié depuis deux ans, s’installe Quai des Alliés à Wasquehal.
En 1936, Maxence Van der Meersch, converti au christianisme, reçoit le prix Goncourt pour L’Empreinte du dieu face à Aragon et ses Beaux quartiers. En 1943, grâce à son roman Corps et Âmes, il est également couronné du Prix de l’Académie française. Maxence, heureux, fait alors la une du Journal de Roubaix et du Grand Écho du Nord.

Pour chacun de ses livres, Maxence Van der Meersch amasse de la documentation avant de se lancer à corps perdu dans l’écriture – il le confie lui-même, en 1937, dans un texte intitulé De la sécheresse à l’inspiration –. Mais Maxence Van der Meersch écrit d’abord pour donner la parole aux plus humbles, aux plus pauvres, aux « sans voix » ; également pour défendre les grandes causes comme la résistance active de la population nordiste dans Invasion 14, la fraternité du monde ouvrier dans Quand les sirènes se taisent et Pêcheurs d’hommes… quand il ne s’insurge pas, dès 1945, contre le sort des prostituées dans son essai Femmes à l’encan.
En témoignant la plume au poing, Maxence prend sa revanche, en quelque sorte, sur une santé fragile qui l’empêche de se jeter pleinement dans la bataille. Enfin, dans son œuvre, il s’attache surtout à dépeindre l’Homme. Ne dit-on pas que « ses personnages ont une âme, sont vivants, ils luttent, ils rêvent… » sans perdre jamais leur capacité d’aimer en dépit du destin qui souvent les écrase. C’est peut-être là, vraiment, dans cette vérité et cette proximité avec les petites gens, que Maxence Van der Meersch touche à l’universel.

Des années noires à la reconnaissance officielle

À partir des années 1945-46-47, la tuberculose contractée par Maxence gagne du terrain. Pour l’écrivain, les moments d’enthousiasme alternent de plus en plus avec des périodes de découragement et de profond désespoir. La critique violente par nombre de médecins de son roman Corps et Âmes et la mort de son père, qui fut aussi son agent littéraire, l’affectent durablement.
En 1947, sa biographie consacrée à La Petite Sainte Thérèse déclenche également les foudres de hautes instances religieuses. Maxence perdra beaucoup de forces et d’énergie à s’expliquer, à répondre à ces détracteurs, à défendre ses convictions d’écrivain engagé.

masque-de-chair-van-der-meerschDurant les dernières années de sa vie, Van der Meersch, souffrant, reçoit encore les confidences d’un homosexuel. Il nous laisse un récit poignant : Masque de chair, que son éditeur Albin Michel fera paraître en 1956, à titre posthume. Dernier coup de génie ou chant du cygne ? Le véritable écrivain surprend toujours.

Le 14 janvier 1951, la tuberculose l’emporte dans sa dernière demeure du Touquet appelée La Maison dans la dune. Il est entouré de ses proches, Thérèze, compagne fidèle des bons et des mauvais jours, leur fille Sarah et deux petits garçons adoptés en 1943 et 1949. Depuis lors, Maxence Van der Meersch repose au cimetière de Mouvaux.

En 1934, dans Le Progrès du Nord, l’auteur s’est ainsi expliqué sur l’éthique de son œuvre : « Je voudrais “servir” en ouvrant avec mes moyens d’écrivain des yeux qui s’obstinent à rester fermés devant certaines réalités ; mon rôle, et il est vaste : lancer un appel, de toutes mes forces, à la concorde, à la compréhension mutuelle. Si mes livres doivent demeurer, comme on dit, que ce soit comme des documentaires, des rétrospectives où l’on ira chercher des modes d’expression d’une époque et d’un milieu. C’est là mon idéal. »

Maxence Van der Meersch, contre toutes les polémiques et les turbulences, a tenu son pari. Aujourd’hui, le chemin de sa redécouverte s’ouvre à tous. Le centenaire de sa naissance peut être l’occasion d’une véritable renaissance auprès des jeunes générations.

Rédigé en mai 2007 par François-Xavier Farine pour la bibliographie Maxence Van der Meersch (1907-1951) et la vie ouvrière dans le Nord de 1914 à 1939, à l’occasion du centenaire de la naissance de l’écrivain.

Consulter la bibliographie complète de la Médiathèque départementale du Nord consacrée à l'écrivain

2 commentaires:

  1. J'ai beaucoup de mal à suivre l'itinérance de Maxence van der Meersch, écrivain que j'adore.
    Il se fait l'apologue de Michel Doutreval, jeune médecin en difficulté de subsistance, interpelle dans "Corps et âmes" par le nihilisme interrogatif d'un odieux professeur, Jean Doutreval, père de Michel, l'opportunisme d'un Gueran, ambitieux et arriviste. Par une dissertation consistante sur les combats permanents des animaux qui se déroulent sur la terre il " ose " dire si Dieu existe il est un monstre. Un Dieu ! Quel monstre serait-il donc, s'il existait !... Si Dieu existe, il ne peut être qu'une intelligence sans cœur, une machine à calculer, un esprit mathématique, puissant et monstrueux, pour qui la douleur ne compte pas, et dont le plan gigantesque et inhumain n'avait pas été fait pour être contemplé et compris par un être doué de sensibilité…
    Ce point de vue je le partage sans aucune hésitation.
    Van der Meersch a été inhumé au cimetière de Mouvaux sans rituel religieux… ce qui me le rend encore plus sympathique. Sa nièce Thérèse Bonte avec laquelle j'ai longuement échangé par téléphone m'a dit que ce n'était pas forcément son choix et m'a donné une autre version.
    J'adore cette plume flamande qui va des dunes mitoyennes à la France et à la Belgique, d'Invasion 14 à La fille pauvre aux Sirènes qui se taisent.
    Aimons Van der Meersch pour son ouvre et son réquisitoire sociétal.

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  2. Merci à vous pour ces précisions ! J'ai également rencontré plusieurs fois, en 2007, la nièce de l'écrivain. Elle avait d'ailleurs validé ce texte avant publication.

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