lundi 12 novembre 2018

Cécile Coulon, Prix Apollinaire 2018 : j’en tombe à la renverse !

cecile-coulon
« Son premier recueil de poèmes, les ronces (publié au Castor Astral) a fait l'unanimité, et vient d'être récompensé par le prestigieux Prix Apollinaire. » lit-on en préambule sur le podcast qui lui est consacrée sur France Inter.

Quand je vois écrites des choses comme cela, de bon matin, je suis extrêmement dégoûté bien que je sache que cette accroche réponde avant tout à un éclairage ou à un bon plan « médias ».

J’ai lu ce livre de  poésie 
« classico-lyrique », dès sa sortie, et franchement, pour parodier l’ami l’Anselme, « ça ne casse pas trois pattes à un canard », excepté les quelques premiers longs textes du recueil comme « J’aimerais vous offrir des frites » ou « L’appartement »…

Mais, forcément, quand on est publié au Castor Astral, on est plus en vue que Tartempion publié jadis chez l’ex-dé bleu, Gros Textes, La passe du vent, Les Carnets des Desserts de Lune, La rumeur libre ou au Pédalo ivre… Surtout, on a plus de puissance de feu pour arroser 90 % des librairies (qui ne connaissent à peu près rien à la poésie d’aujourd’hui), même avec des textes d’une confondante platitude.

Et, bien que ce soit le premier recueil de cette jeune poétesse, née en 1990 (ce qui n’excuse rien, bien au contraire), l’auteure n’hésite pas, parfois, hélas, dans ses textes, à enfiler des clichés poétiques comme des grosses perles…

Un extrait parmi d’autres :

LA PARTIE

Il y a des jours comme ça
où je me demande si
la partie est terminée
ou si, au contraire,
elle vient juste de commencer.
Aujourd’hui est un de ces jours-là
sauf qu’il dure depuis dix ans,
déjà.
Je commence à trouver le temps
long.
En plus de ça, depuis ce matin
je me demande si un poème
est le début, ou la fin
d’un énième chapitre.
J’en suis arrivée à la conclusion suivante :
un poème c’est quelque chose
d’éphémère et joli
comme la signature d’un doigt
sur la buée d’une vitre.


Si Cécile Coulon avait envoyé ce recueil aux éditions Gallimard en des temps beaucoup plus reculés, Claude Roy lui aurait sans doute répondu :

« Si la poésie s’enchaîne sur d’infinis clichés, le lecteur en est fatalement hérissé. Cela empêche de prendre garde aux comparaison plus originales. C’est vraiment dommage ! »

Si le Castor Astral éditeur a publié, depuis les années 70, des tas de bons poètes : Daniel Biga, Marc Villard, Claude Pélieu, Daniel Fano, Marc Alyn, Patrice Delbourg, François de Cornière, Brautigan, Tranströmer, Zéno Bianu, Serge Pey, Marie-Claire Bancquart, Ariane Dreyfus et plus récemment Denis Grozdanovitch et Thomas Vinau… je ne doute pas que, cette fois, il vende malgré tout quantités de ronces. Comme tout bon éditeur, il a déjà su tirer parti de la notoriété que cette auteure a préalablement obtenue dans le domaine du roman, où elle a publié précocement, dès l’âge de 16 ans, ainsi que, depuis quelques temps, sur les réseaux sociaux, où sa poésie a suscité de l’intérêt.

Le Prix Apollinaire devient-il un prix à Paul inerte ?

Il y a, selon moi, d’autres ouvrages de poésie qui mériteraient davantage ce Prix Apollinaire 2018. De nombreux poètes - jeunes eux aussi - qui possèdent une remarquable écriture, percutante, non consensuelle, qui font moins de bruit, et qui n’ont pas non plus un goût immodéré pour les plateaux peoplelolittéraires de François Busnel ou pour l'aventure des réseaux sociaux…

Je me rappelle cette phrase très juste de Jean-Claude Pirotte à l’attention d’un ami, alors jeune poète. Il le mettait précisément en garde contre les facilités liées à l’ère numérique et aux réseaux sociaux, contre cette soif de reconnaissance facile, ce miroir aux alouettes, avec ces fausses gloires préfabriquées ou prématurées :

« P. R., tu veux être une vedette ou un écrivain ? »

Je sais déjà que des poètes amis, des connaissances ou des contradicteurs me reprocheront ce post.

Habituellement, je m’abstiens d’écrire ce genre de billet réprobateur, préférant parler des recueils qui m’ont véritablement enthousiasmé…

Mais, pour le Prix Apollinaire qui signifie quand même le « Goncourt de la Poésie », je ne pouvais pas passer mon désaccord sous silence.


7 commentaires:

  1. Bravo pour cette prise de position ! D'accord avec toi : ce n'est pas parce qu'on obtient un prix qu'on est obligatoirement prisé.

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  2. ... d'accord à 100% avec ta prise de position. On se demande bien ce qu'ont fumé ce jour-là les 10 membres du jury, "personnalités du monde de la poésie" (Jean Rouaud ?)... surtout lorsqu'on a présélectionné des gens tels que Laabi, Cliff, Le Penven, Steinmetz, Moses ou Sorrente...

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  3. Cher Monsieur, vous n'êtes pas isolé dans votre courroux. Soyez absolument certain de cela. Avec ma plus vive reconnaissance pour votre clairvoyance. GM.

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  4. Ni classique, ni lyrique cet extrait.
    Par contre, fort plat, ennuyeux et prosaïque.
    Dommage que vous enfiliez les clichés de la critique littéraire négative comme des grosses perles :
    "classico-lyrique"
    "plateaux peoplelolittéraires"
    Vous tirez à côté et par ricochet recevez la balle dans le pied.

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    1. Bonjour Cher Unknown,
      Votre courage de l'anonymat est assez remarquable. Ce n'est pas une critique universitaire mais un simple post ou billet d'humeur. "Classico-lyrique" c'était bien entendu de la dérision ou du second degré. Ce qui vous a visiblement échappé. D'où l'utilisation de l'expression entre guillemets. Et, si vous relisez plus attentivement ce post, vous vous apercevrez que vos rectifications sont suggérées dans l'ensemble de l'article (Bien que j'aie précisé aussi que ce recueil contient aussi quelque bons textes). Après j'explique un contexte général pour les néophytes de la poésie... Ou plutôt j'avance un certain nombre d'hypothèses qui me paraissent plausibles et qui expliqueraient pourquoi ce livre a obtenu l'Apollinaire bien que, de mon point de vue de simple lecteur, il ne le méritait pas. Voilà tout.

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