lundi 30 août 2021

Abdellatif Laâbi, fraternel et écorché

laâbi-anthologie jeunesse
Ce que poète désire : Anthologie de poèmes pour la jeunesse
Illustré par Laurent Corvaisier
Rue du Monde, 2021. - (Livres-événements)
17,80 Euros

Né à Fès en 1942, grande voix de la poésie contemporaine, Goncourt de la Poésie 2009, l’écrivain franco-marocain, Abdellatif Laâbi, a composé lui-même une anthologie de ses poèmes (de 1981 à 2020) pour jeunes lecteurs, égayée par les illustrations colorées et vibrantes de Laurent Corvaisier, mais qui conviendra aussi à chacun d’entre nous.
On y retrouve ses thèmes de prédilection : l’insoumission, l’engagement face à tout type de barbarie, de totalitarisme et de haine ; l’espoir en une liberté commune et en l’être humain ; la foi indéfectible en l’amour, la poésie.
Ces poèmes sont simples et percutants et ne retiennent que l’essentiel.
Ils sont étroitement liés au parcours d’homme d’Abdellatif Laâbi et à son existence de poète militant, emprisonné pendant 8 ans dans les geôles d’Hassan II, et qui, revenu de l’enfer, n’a de cesse de continuer  de témoigner passionnément pour le sel de la vie, avec « les  mots de la tendresse » et « le bréviaire de la fraternité » au poing.

Le site de l'écrivain Abdellatif Laâbi

samedi 28 août 2021

Les pensées à géométrie variable de Félix Faricton

tarzan


(Hommage en Jean L’Anselme)

 Il ne faut pas prendre les choses avec le dos de la cuillère. Les gens encore moins.

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Mon fils fait du feu avec deux pierres comme les premiers hommes. À chaque fois, c’est bouleversant, car nous pourrions être les derniers.

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C’est fou comme je suis heureux en ce moment, je passe mon temps à rédiger des pensées qui me seront certainement enviées plus tard. Je suis un auteur prophétique, mais faut pas trop exagérer non plus !

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Quel est le con qui a inventé les tondeuses et les tronçonneuses qui fonctionnent les week-ends et jours fériés ?

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 Jésus est encore ressuscité. J’espère que ça ne va pas donner des idées à Macron !

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J’aime beaucoup le vélo. Surtout quand je suis parfaitement positionné devant ma télé.

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 J’adore cette expression : « Un vent à décorner les cocus ». Si j’en étais un, je ne sais pas si ça me ferait le même effet.

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À la fin de sa vie, Johnny Weissmuller (alias Tarzan) a été interné. Il continuait à pousser son célèbre cri d’homme-singe dans les couloirs de l’asile. On pense qu’Il ne voulait pas qu’on oublie qu’il avait été le premier super-héros en noir et blanc de notre jeunesse.

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T’as un mouchard dans ton ordi que tu ne me réponds pas, du con !

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De près ou de loin, les primes de travail sont toujours passées dans mon cul.

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Mon téléphone sonne. C’est une bonne chose. Il peut continuer de sonner longtemps. C’est toujours à moi de le décrocher.

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Devant chez moi, les voitures ne cessent de passer. C’est fatigant à la fin.

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Mon horizon : un ciel gris couturé de pylônes, lézardé de fils électriques, de maisons de briques aux tuiles dépareillées. Pas de quoi en faire un poème non plus.

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Happening de poésie

Je vais bientôt réaliser des performances poétiques où je frapperai plus fort que mes prédécesseurs : il n’y aura plus de texte du tout, juste des borborygmes savamment orchestrés par des bruits de pet. Puis je conclurai ma prestation par un équilibre parfaitement exécuté, tête dans la boue et la bite au vent.

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Aujourd’hui, je ne suis pas inspiré. Il vaut peut-être mieux que j’aille boire un coup chez le voisin.

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Quand j’écris, je ne lis plus. Quand je lis, je n’écris plus. C’est un drame quotidien.

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Je suis un drôle d’esthète de l’écriture. Parfois même un esthète de con ou un esthète de l’art.

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J’aime les femmes culottées, mais aussi sans.

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Mon voisin a une belle maison. Et si j’osais vous faire une confidence, je dirais même que je préfère sa maison à sa tête.

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 L’ère des compte-rendus

C'est la nouvelle ère des compte-rendus. Tant de comptes-rendus en si peu de temps, de frénétiques doigts qui frétillent sur leurs petits claviers que, bientôt, on ne saura plus dans quel compte-rendu on avait écrit cela et, du coup, on perdra un temps infini à rechercher cette phrase dans un de ces fichus compte-rendus. Je pense que le plus judicieux serait d'écrire un nouveau compte-rendu qui rendrait aussitôt inefficace voire caduque tous les anciens compte-rendus !

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 Un écrivain qui réfléchit, ça fait du bien !

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 Conseil à un jeune poète : N’écoute pas les poètes vermoulus d’hier !

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Balzac disait : « Une nuit d’amour, c’est un livre de moins. » C’est bien pour ça que je ne serai jamais Balzac !

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Je suis allé dans la plus petite galerie du monde hier, je n’ai pas trouvé la sortie.

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Le progrès technique ?

Avant j’écrivais beaucoup de lettres à mes amis. Quand je les appelais au téléphone, ils répondaient tout de suite. Depuis l’invasion des répondeurs, puis des téléphones portables, on se répond par messages interposés, plusieurs jours après, en différé.

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Si Sartre revenait, il écrirait sans doute aujourd’hui : « L’existentialisme est un humerdisme. »

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J’espère encore publier des livres mais qui les lira et, surtout, qui les chroniquera ?

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Un écrivain qui réfléchit, ça fait du bien. Un écrivain qui écrit, c’est encore mieux !

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Je suis déjà génétiquement modifié par la connerie ambiante.

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En Chine, il est même interdit de rire jaune. Par contre, en Russie, si on défie le pouvoir en place, on saigne aussi rouge.

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Limoges : leur ado de 15 ans refuse de débarrasser la table, les parents appellent la police.

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Il ne s’agit pas d’être pour ou contre » dit le chef. « Cela nous est imposé. ». « Ni Dieu ni Maître » est un slogan qui n’a jamais eu autant de plomb dans l’aile qu’aujourd’hui.

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J’ai oublié la citation que je devais écrire aujourd’hui. Je vais tout de suite passer à la suivante.

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(Inédits, 2021 à ....)