jeudi 28 janvier 2021

Fabuleux Robert Desnos par Anne Egger

Robert-Desnos-biographie
Fayard, coll. Biographies, 2007
49 €

4e de couverture :

Robert Desnos revisité au jour le jour ! Deux immenses yeux ouverts posés sur le monde qu'il traverse à grandes enjambées ! De quoi rompre définitivement avec l'image d'un poète si curieux de tout, qu'il passe pour désinvolte.
L'homme est étonnant et son caractère bien trempé. Secret et tonitruant, il déborde d'énergie et mène une vie exaltante dans le Paris d'entre les deux guerres. Une existence sans vide !

Autodidacte et érudit, Desnos est un titi parisien, fils de la Bastille et des Halles. Enfant, il aime la littérature et le cinéma. Ses idoles sont Hugo, Gustave Aimard et Musidora.
Ce poète surréaliste, déclaré « prophète » du mouvement dès 1922, amoureux d'une diva qui le dédaigne, fait un voyage à Cuba en 1928 qui bouleverse sa vie. Il s'ouvre au monde en traversant l'Atlantique et, pour l'amour d'une rumba et d'une île lointaine, se libère d'une passion malheureuse et d'un surréalisme alors préoccupé de politique, pour devenir un homme de média. La musique désormais gouverne sa vie. Tout à la fois moderne et visionnaire, il parle - ou chante (faux) - plus qu'il n'écrit.

Journaliste, animateur et publicitaire à la TSF, critique de cinéma et de disques, chansonnier, créateur de scénario et de cantates, écrivain, peintre, Desnos explore tous les moyens d'expression et toutes les cultures de son époque, avec le secret espoir de les métisser. De créer un langage nouveau compris de tous. Il laisse une œuvre hydride, dont les écrits ne sont que la partie immergée de l'iceberg.

Desnos est de toutes les aventures intellectuelles et humaines de son temps. C'est un exemple de fidélité et d'engagement en amour comme en amitié. Des amis qui ont pour nom Barrault, Carpentier, Breton, Prévert, Garcia Lorca, Éluard, Leiris, Jeanson, Deharme, Foujita, Aragon, Bataille, Neruda, Hemingway, Milhaud, Dos Passos, Honegger, Mouloudji,... et tant d'autres.

Rebelle et passionné, il se soucie moins de laisser un nom en poésie que d'être libre de tout faire et de tout dire. « Ce qui importe, ce n'est pas ce qui reste mais ce que l'on est », écrit-il en 1940, peu de temps avant d'entrer en résistance contre l'envahisseur. Un courage qui ne l'abandonne pas quand, arrêté et déporté, Desnos découvre Auschwitz, Buchenwald, Flossenburg, Flöha. Il est mort « libre » le 8 juin 1945 au camp de Terezin. Martyr du nazisme, il est figé dans un tombeau sans nom. Ci-gît pourtant Robert Desnos 1900-1945.

Anne Egger, docteur en littérature de l'art, née en 1964, a également publié une biographie de « Claude Cahun (1894-1954), l'antimuse » en 2015.

mercredi 27 janvier 2021

Salon littéraire


Je reviens de mon premier salon littéraire
en pleine nature
une guest-star a remporté
tous les suffrages
ses groupies
ont traversé le chapiteau de toile
sans jeter un œil
à mon second ouvrage
mais ce n'est pas si désagréable
finalement                                                     
de devenir un grand transparent
j'ai observé l’œil amusé
tout ce petit monde
qui se touchait du moi
à l'heure de midi
cet écrivain franco-serbe
plutôt jeune
qui déplaçait les cartons
pour ne pas être assis avec des confrères
qu'il jugeait indécents
à sa table
et dont il n'avait pourtant pas lu
la moindre ligne
je songeais alors à Kundera :
« Le roman doit semer
des points d'interrogation à l'infini... »
j'écoutais aussi
cette attachée de presse
volubile
d'un festival de poésie
qui, lorsque je lui parlais
de Pierre Tilman,
baissa soudain les yeux
vers son assiette vide
puis cet autre romancier
qui avait tout fait
et me citait Eric Poindron
comme légataire testamentaire
du Castor Astral
et écrivait comme une turbine
comme si les livres
ne méritaient-ils pas un meilleur sacrifice
ou cette auteure de BD
mutique
qui aurait pu être sympathique
mais qui, tout à l'heure,
ne participera pas
à la performance littéraire
qui nous attend
de l'autre côté de la pièce
où Éric-Emmanuel Schmitt
(sourire ultra chic
et costard adipeux)
fait
un tabac
qu'on ne s'entend plus
rendant impossible
ma lecture à voix haute   
et par la même occasion
mon entrée fracassante en littérature.

(© François-Xavier Farineextrait d'un recueil inédit.)

dimanche 24 janvier 2021

Eugène Guillevic (1907-1997)

eugène-guillevic
                       
                     CHOSES

L'armoire était de chêne
Et n'était pas ouverte.

Peut-être il en serait tombé des morts,
Peut-être il en serait tombé du pain.

Beaucoup de morts.
Beaucoup de pain.

                     AMULETTES  (extraits)

On était tenté de toujours grandir
Et les nuages nous conseillaient
De les écraser, de les dépasser,
D'aller dans le clair, dans le toujours clair.

                                *

La petite truite,
Grosse comme un canif,

Ne trouve plus sa pierre
Dans le grand ruisseau.

                                  *

Dans le moulin qui n'était pas utilisé,
Où le silence avait défait
Ce qui rouille et ce qui s'effrite,

Il restait dans un sac juste assez de farine
pour y connaître la douceur entre les doigts

                                   *

                         DU SILENCE (extrait)

Je fore,
Je creuse.

Je fore
Dans le silence

Ou plutôt
Dans du silence,

Celui qu'en moi
Je fais.

Et je fore, je creuse
Vers plus de silence,

Vers le grand,
Le total silence en ma vie

Où le monde, je l'espère,
Me révélera quelque chose de lui.


Ces poèmes d'Eugène Guillevic ont paru en juin 1999 dans le
n°18 du magazine Poésie 1 / Vagabondages consacré aux poètes de Bretagne.

jeudi 21 janvier 2021

Léon-Paul Fargue (1876-1947) , le poète du macadam parisien

Léon-Paul-Fargue

Un court poème simple et élégiaque 
(que j'aime bien) de cet auteur « infiniment vulnérable à la vie ». Il est extrait d'un cahier de poèmes que je recopiais vers 19 ans :

Spleen

Dans un vieux square où l'océan
Du mauvais temps met son séant
Sur un banc triste aux yeux de pluie
C'est d'une blonde 
Rosse et gironde
Que je m'ennuie
Dans ce cabaret du Néant
Qu'est notre vie.

Léon-Paul Fargue, Ludions (1929).

vendredi 15 janvier 2021

Frédérick Houdaer, poète sniper

Frédérick-Houdaer-anges-profanes
Anges profanes : (Angiomes-Engelures-Engeances)
Préface de Jean Marc Flahaut
La passe du vent, 2020
15 €

Avec la sortie de ce triptyque, Anges profanes, qui regroupe ses trois premiers recueils, on apprécie à sa juste valeur le chemin accompli par Frédérick Houdaer malgré une entrée tardive en poésie… puisque l’auteur, né en 1969, a commencé par le néo-polar, encouragé à ses débuts par Frédéric Dard lui-même.
Après une résidence d’écriture à Montréal, à l’hiver 2003, en compagnie de l'impeccable poète franco-ontarien
 Patrice Desbiens, Frédérick Houdaer, romancier alors trentenaire, est réveillé par les sirènes hurlantes de la poésie et décidera de peaufiner, de recueil en recueil, son écriture précise, voyeuse, drôle et corrosive, sans pour autant délaisser l’univers du roman.

Sa poésie est celle d’un homme sensible qui doute et apparaît, dans sa vérité nue, dans des autoportraits jamais complaisants, en « éternel loser » en quête de l’idéal féminin, mais aussi en père de famille attentionné avec charge d’âmes. On y suit encore ses mésaventures d'écrivain dans des textes aux dialogues souvent au vitriol. Comme si ses « poèmes noirs » étaient directement issus d’un polar lui-même. Mais cette poésie narrative, mâtinée de grotesque belge, puise aussi sa force et son originalité de son influence de la poésie américaine (Walt Whitman, Charles Bukowski, Raymond Carver) et du percutant Pierre Tilman dont j’ai déjà pu le rapprocher.

Inspiré sans doute aussi par son métier de veilleur de nuit, Frédérick Houdaer demeure à l’affût des soubresauts du monde, des balles perdues et des femmes que la vie a semées sur sa route. Il les place à chaque fois, avec soin, dans son canon pour en faire des poèmes subversifs et jubilatoires.

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La passe du vent ou en librairie.