dimanche 24 février 2019

Un texte de Marc Villard, né en 1947

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extrait de J'aurais voulu être un type bien, recueil de nouvelles à la fois vives, drôles et acides, à caractère autobiographique, Éditions L'Atalante, 1995, reparu en folio poche (n°3569) en 2001.

Poète

À vingt et un an, je lâchai la peinture et passai dans le camp de la poésie. Je fourguai quelques toiles et abandonnai les autres dans une cave à l'occasion d'un déménagement. Deux années passées à plagier René Char et à dévorer avec assiduité les beatniks américains m'avaient définitivement convaincu. J'allais faire ça comme un pro et taquiner mes maîtres : Biga, Venaille et Martin.
    Attention les yeux. De fait, le réveil fut comateux car, après avoir composé mon premier recueil de poèmes, je dus convenir que personne ne m'attendait. Qui plus est, le compte d'auteur régnait en maître à l'époque - nous étions en 70 - et de petits épiciers cauteleux mettaient du beurre dans leurs épinards en publiant moyennant finances de jeunes crétins que la révolution culturelle de 68 avait convaincus de leur génie trop longtemps muselé. Mais nous avions la foi et de nombreuses revues nous accueillaient. Nous en créâmes à notre tour, nous publiant les uns les autres d'une revue à l'autre.
   Pour pouvoir être lu, exister, je décidai d'en passer par ce foutu compte d'auteur qui aujourd'hui répugne au plus humble prosateur de Basse Lozère.
   Mon premier recueil fut accueilli par un silence critique assourdissant. On évoqua un divorce à la maison et l'opportunité de revendre l'Olympia de compétition. Néanmoins, je m'accrochai et l'éditeur Millas Martin me fit un prix sur mon second recueil en échange de quelques maquettes de couvertures.
Plusieurs critiques s'intéressèrent à Dernières nouvelles du paradis et je me retrouvai dans La Nouvelle Poésie française, anthologie de Bernard Delvaille qui se vendit à 15 000 exemplaires. Tout cela était bel et beau mais Millas Martin, une fois le livre imprimé,  ne diffusait pas. Il se contentait de vous léguer la moitié du tirage et bon voyage et bon vent. Qu'à cela ne tienne, je me résolus à placer moi-même mes livres chez les libraires. Dure école, les amis. À déconseiller aux egos hypertrophiés, aux « moi » extatiques de suffisance et aux fiers versateurs. L'ennemi du libraire, je l'appris plus tard, c'est le poète qui vient lui vendre sa putain de camelote.
   Je partais donc, chaque samedi, tenant à la main un sac du Carrefour le plus proche, rempli de mes précieux opuscules.  Quelques libraires du Quartier latin avaient la réputation de faire bonne figure aux poètes non diffusés. Je me campais devant chaque librairie, pénétrais dans les lieux, arborant l'air pénétré de celui qui musarde au-dessus des contingences matérielles.
Trente minutes plus tard, bredouillant, le rouge aux joues, je sortais de mon sac quelques exemplaires de mes textes et les tendais mollement au libraire. j'ai dû essuyer ainsi des refus mortifiants, des regards de commisération, des discours délirants sur la littérature dégénérée. L'argument massue des libraires revenait tel un leitmotiv : « Où voulez-vous que je mette ça ? » Je repartais, mon « ça » me battant les flancs, et m'en retournais dans mon 18e arrondissement acheter de vieilles Série Noire à trois francs. (...)

Dernières parutions :
Sur la route avec Jackson : roman noir, Cohen & Cohen éd. oct. 2018, 18 Euros.
Les biffins, J. Losfeld, 2018,  12,50 Euros.
Si tu vois ma mère (nouvelles), Cohen & Cohen éd., 2017, 15 Euros.
Houndog a fait un rêve, Invenit, 2016, 12 Euros.

La fille des abattoirs (nouvelles), Rivages/Noir, 2016, 8,80 Euros.

samedi 23 février 2019

Daran, album « L'homme dont les bras sont des branches » (2012)

« La chanson reste à l’ordre du jour. » a écrit Patrice Delbourg. « La poésie est à l’ordre de la nuit » lui avait soufflé Georges Perros à la page 89 de ses Papiers collés III, Gallimard, 1978.



mardi 19 février 2019

J’étais presque un ouvrier : Récits, poèmes, fragments réunis par Jean Marc FLAHAUT

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Coédition Travail et Culture (TEC/CRIAC) / Les Venterniers, 2018
10 Euros


Dans ce recueil collectif, des jeunes, de 13 à 30 ans, « témoignent et livrent leurs pensées sur le monde du travail ». Ils traduisent leurs rêves, leurs appréhensions, leurs doutes, leurs échecs, et aussi leurs motivations et réussites, sans filtre, toujours avec sincérité.
Comme l’écrit Jean Marc Flahaut qui a mené ses ateliers d’écriture dans douze structures des Hauts-de-France (collèges, lycées, centres d’apprentissages, etc.) : « Ces jeunes luttent pour leur avenir. (…) Leur propos est parfois cru, naïf ou maladroit, inachevé, en construction, mais cette vérité leur appartient. »

Ce livre est l’une des nombreuses initiatives engagées par l’association « Travail et Culture » en 2018. Elle consiste à « questionner la place du travail dans l’imaginaire des jeunes, qu’ils soient en formation, salariés ou en recherche d’emploi ».

Un extrait :

Avant, je n’avais aucune idée du chemin que j’allais
prendre.
Je me suis égarée, éparpillée dans la recherche
d’un métier : vétérinaire, coiffeuse, vendeuse,
secrétaire, médecin, avocate, infirmière, etc.
Les vêtements sont une façon pour moi de m’exprimer.
Dans le domaine de la vente, je me sentirai enfin
dans mon univers.
je vais prendre cette route avec les clés
qu’on m’a données.
Ma période d’essai démarre dans une semaine.
Je vais donner le maximum.
Le combat commence.


François-Xavier Farine, chronique parue sur le site de la Médiathèque départementale du Nord, le 13 février 2019.

vendredi 15 février 2019

Festival Off du 21e Printemps des Poètes 2019


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- J'ai picoré les poèmes de CharlÉlie Couture publiés au Castor Astral... Quel ennui...

- Est-ce que c'est pire que les poèmes de Francis Lalanne ou les haïkus de Michel Noir ?

- Certes Non.

(...)

jeudi 7 février 2019

Heptanes Fraxion, Prix de poésie « Le feu central » 2018


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© Photo F-X Farine - janvier 2017
pour son premier recueil publié, en septembre, aux éditions Cormor en Nuptial : « Il ne se passe rien mais je ne m'ennuie pas ».

J'ai découvert Heptanes Fraxion en 2013 grâce à l'émission poétique et musicale « Une étoile dans la gorge » d’Oslo Deauville. Après, je suivais régulièrement ses publications sur son blog éponyme : www.heptanesfraxion.blogspot.fr. Car ce poète possédait déjà un univers très personnel, une langue à lui, des images inédites : « soleil salive », « dans les virages les rames du tramway chantent comme des bélugas », « culs nus dans la mer leurs sourires les enlacent » mais surtout des textes percutants, tonitruants qui m'ont définitivement emballé. Même si on pouvait penser que cet auteur était a priori à mille lieues de ma sensibilité.
À chaque texte du dit recueil, j'ai encore été embarqué, retourné par ces poèmes-conversations, poèmes-paysages, poèmes déambulatoires où soliloque une cervelle en feu.

On peut voir en Heptanes Fraxion un lointain cousin de Blaise Cendrars. Je vois plutôt en lui un digne successeur d'Yves Martin, en plus enragé et en plus batailleur. Sa poésie est aussi celle d'un homme perpétuellement en marche, à l'affût de tout ce qui surgit autour de lui, fait écho ou interfère avec ses propres sensations (météo, environnement proche : relations familiales, travail, amours, faune hétéroclite, propos entendus, interactions entre les individus, etc.).

Poète en état d'insurrection, porte-flammes des anonymes du quotidien


Poète à la conscience aiguë, au regard tendre, écorché, Heptanes Fraxion boxe avec les mots et rentre dans le dur et le mou de nos vies avec une grâce et une énergie rares.
Sa poésie se cogne au réel et laisse apparaître la nudité, la fragilité et la vérité des êtres que le poète croise dans toutes ses haltes et dérives quotidiennes (cafés, parkings, zones industrielles, périphéries des villes, méandres des grandes agglomérations...) quand ils ne sont pas parfois des doubles du poète lui-même envers lesquels on peut déceler à la fois de la détestation, de l'exaspération, une dose redoutable de dérision et d'empathie également. 

heptanes-fraxion-il-ne-se-passe-rien
Comme l'a si bien écrit le poète Grégoire Damon en guise de postface au recueil, la poésie d'Heptanes Fraxion « hante les villes, mais surtout les gens » au-delà, précise-t-il, « des question de solitude, d’incompréhension, de familles dysfonctionnelles, d’amours qui meurent et de filles compliquées » et de l'ego de l'auteur « archétype du poète maudit » qui pourrait finir par agacer, si celui-ci n'était pas aussi talentueux et original dans la façon de dérouler ses poèmes, avec cohérence, violence, révolte, imprévisibilité, et aussi dans la façon d'aller à contre-courant et de s'attaquer de front à des problèmes trop souvent esquivés ou embrouillés en poésie sauf, peut-être, chez Charles Bukowski.

Enfin, cette « poésie crue, fraternelle, sans esbroufe, immédiatement reconnaissable » incarne pour moi le bouillonnement d'une écriture et le bouillonnement d'une pensée qui sont le fruit d'une individualité forte qui refuse les compromissions, s'acharne à débusquer le feu et l'échappée, derrière chaque visage et interstice de l'existence. Ce qu'Heptanes Fraxion appelle lui-même dans un de ses textes « l'éternité et le trou dans le grillage ».

Voilà pourquoi j'ai décidé de donner  symboliquement le 2e Prix de poésie du Feu central à Heptanes Fraxion pour son recueil, Il ne se passe rien mais je ne m'ennuie pas, publié à l'enseigne des très chouettes éditions belges, Cormor en Nuptial, de Gaël Pietquin.

Il s'agit, vous l'aurez compris, du recueil qui m'a le plus secoué et convaincu cette année !

>> Se procurer le recueil auprès des éditions Cormor en Nuptial.
Contact : cormorennuptial@gmail.com
Prix : 18,50 Euros (Belgique) ; 23,80 Euros (France).

>> Contacter le poète sur Facebook pour avoir sa petite étiquette-dédicace, ça marche aussi.

dimanche 3 février 2019

CHEVALREX

Anti slogan (2018) : un 3e album réussi entre William Sheller et Vincent Delerm, entre « chansons minimales, symphonies et confidences pop » lit-on aussi sur sa bio.




En savoir plus sur Chevalrex alias Rémy Poncet.