mardi 29 mars 2022

Retour à No Man's Land


Plus de journal

de radio

de télé

je veux me désintoxiquer

de tout

ne penser à rien

rejoindre l'essence-ciel

la pierre infécondée

du silence

tout réapprendre

mot

après mot

me réapproprier

le souffle

chaque parole

chaque cri

qu'on nous a volés extorqués vidés de toute substance corporelle

essayant de nous

détourner de tout

en polluant ce monde

avec de la matière volatile

du virtuel

le pain des crédits

en bouche

la dramaturgie

du sport moderne

la tyrannie de l'inutile

on a rempli l'Homme

de tant de déserts insipides

qu'il étouffe

dans le sable de son cri

qu'il se nidifie

dans la nuit complète.

Éveillez-moi de ce cauchemar

ou jetez-moi par-dessus bord

d'un coup d'épaule

dans la barge du soleil

que je renaisse enfin

dans la chevelure

flamboyante

de mes amis.

© François-Xavier Farine, inédit, 11/03/2011.

vendredi 11 mars 2022

Milène Tournier, nouvelle voix à la poésie permanente

Milène-Tournier
Milène Tournier est née à Nice en 1988 et vit à Paris, où elle est documentaliste dans un lycée. Elle est apparue sur « la scène » poétique dès 2019 et pratique l’écriture vidéo en partageant régulièrement son travail sur YouTube et Facebook.

J’ai plutôt envie de parler de son travail poétique comme d’une sorte de « poésie intégrale ».

Milène Tournier arpente la capitale, marche beaucoup (une vingtaine de kilomètres par jour) pour rejoindre son travail ou son domicile.

En se déplaçant dans la ville, elle se filme et filme les gens, les vitrines des magasins, les affiches, les monuments, les choses qu’on abandonne par terre… De tout ce qu’elle voit, avec toute cette matière vivante ou pas, elle recompose des « poèmes urbains » qui mêlent à la fois le beau, le sensible, le trivial et l’insolite.

En lisant la poésie de Milène Tournier, on redécouvre le réel sous son regard d'observatrice en éveil. Sa poésie produit un ré-enchantement du quotidien, du « tout ordinaire » comme elle l’a d’ailleurs écrit elle-même.

Elle écrit aussi parfois des textes amples qui parlent de la complexité des rapports familiaux, de leur caractère émouvant, déchirant et passionnel. Parfois aussi des haïkus lourds légers comme celui-ci :

Le clochard parle
Au pain qu’il mange
C’est résoudre deux problèmes en une fois.

ou celui-là :

Et tu mettras ta main sous mon ventre comme
Le ciel se pose
Sur les avions.

Je comprends bien ce qu’on peut aimer dans sa poésie, c’est à la fois sa force et sa fraîcheur mues par une soif d’absolu, où la poétesse pousse souvent les murs étriqués du poème avec les ressorts de l’imaginaire ou la nostalgie heureuse de l’enfance… avec, parfois, une veine presque lyrique dans l’expression des sentiments qui, personnellement, ne me déçoit pas.

Milène Tournier a déjà publié trois recueils de poésie : Poèmes d’époque, préfacé par François Bon, dans la collection Polder (le n°184) dirigée par Claude Vercey, en 2019 ; L’autre jour puis Je t’aime comme en 2020 et 2021 aux éditions Lurlure.

Elle a reçu en janvier 2022 le Prix « Révélation Jeune Poésie » de la Société des Gens de Lettres (SGDL) pour son deuxième recueil.


Milène Tournier n’a pas qu’une corde à son arc puisqu’elle s’exprime aussi dans le théâtre (deux pièces éditées et jouées actuellement) et le court métrage.