lundi 31 décembre 2018

George Orwell (1903-1950)


« Parler de liberté n'a de sens qu'à condition que ce soit la liberté de dire aux gens ce qu'ils n'ont pas envie d'entendre. »
 
Préface inédite d'Eric Blair, dit George Orwell, extrait La Ferme des animaux (1945).

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dimanche 23 décembre 2018

Lettre inédite de Robert Sabatier (1923-2012) à Jean L'Anselme (1919-2011)

à Thomas Deslogis qui comprendra, peut-être, un peu mieux que la poésie n'est pas obligatoirement un monde de bisounours.
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© Robert Sabatier à Saugues (Journal "La Montagne")

De janvier 2001 à décembre 2012, j'ai entretenu une correspondance soutenue avec le poète Jean L'Anselme.

Nous nous sommes vus plusieurs fois à Paris. Je pense qu'il m'aimait bien. Puisque ce dernier n'a jamais hésité à me confier, de temps à autre, quelques-unes de ses archives personnelles.
Comme cette réponse de Robert Sabatier à sa carte postale de juin 2008.
C'était une manière, je crois, de me remercier pour mon engagement en tant qu'amoureux et médiateur de la poésie. Je sais aussi qu'il me les a confiées pour que j'en fasse bon usage et que je les partage, le moment venu. 



à
Maître Jean L'Anselme


Après cette lettre je sais tout sur ta résidence. Je te rends la politesse. J'habite toujours au même lieu : un appartement trop grand pour moi et que je n'aime pas - mais je n'ai pas le courage de déménager. Je sors peu, je ne vois pas grand monde si ce n'est quelques habitués du comptoir au bistrot du coin. Je me plais plus avec eux qu'avec les piliers de l'écriture. Vacances : quatre jours au village natal en Gévaudan. Rencontre non pas d'amis anciens (tous partis !) mais de jeunes et surtout paysans et artisans. Ce sont de solides Gaulois aux grandes moustaches et à la poignée de main redoutable. Là on m'aime. J'ai eu hier 85 ans. Deux souhaits d'anniversaire. C'est suffisant : il est un temps où les anniversaires ne sont plus des fêtes. Je suis les jeux olympiques et je pense au coureur que tu fus. Je tape sur ma vieille bécane (1937) et je n'ai pas de portable. Je ne saurais qu'en faire. J'ai vu l'autre jour une photo : tu es en maillot de corps et je noue ma cravate. Ragon me téléphone de temps en temps. L'ennui avec nos contemporains c'est qu'ils ne parlent que du passé. Je lis des romans pour le prix Goncourt : 75% sont sans intérêt. J'en ai marre et je n'ose pas le dire. J'ai loupé des réunions du prix Apollinaire : c'est pour moi à l'autre bout de Paris et je suis flemmard. Trois beaux pigeons ramiers me rendent visite sur le bord de ma fenêtre. Je me suis pris d'amour pour eux. J'écris de temps en temps un poème à l'ancienne manière. Ma santé est bonne mais je marche mal. Je ne sais combien de temps cela durera. On verra bien et peut-être qu'on ne verra pas. Tu es sauvé : tu as ton île. Suite au prochain numéro.
Tout cela pour te dire que je t'aime bien même si je le dis en tapant à la machine car j'écris fort mal.
 

Je t'embrasse
                                                                 Robert Sabatier


Précision : Jean L'Anselme  m'a raconté avoir connu, très tôt, Robert Sabatier ainsi qu'Hervé Bazin. Fin des années 40, il avait notamment participé à la revue de poésie, La Cassette, fondée par Robert Sabatier, avant que ces deux vieux amis basculent définitivement du côté du roman.

© La photographie de Robert Sabatier est empruntée à un article paru dans le quotidien, La Montagne, le 28 juin 2012, suite à sa disparition.

lundi 10 décembre 2018

Poèmes Cut-up n°14

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Poèmes Cut-up n°14 : « Jean-Jacques, reviens, ils sont devenus fous ! »


Un jour ou l'autre, c'est sûr « les poncifs penseurs » révolutionneront le monde avec leur dernier slogan :

« Booster les initiatives, favoriser des nouvelles coopérations... et branler le mammouth. »

*

Ch'tis contre Marseillais... Qui gagne ?

Les car-wash à Lille, c’est aussi inutile que les cabines à bronzer à Marseille.

*

Le syndicat CGT à propos de l’assignation, par leur direction, des pompiers au tribunal de L. pour des slogans inscrits sur les véhicules de service

« C’est un des seuls moyens d’action quand la négociation est fermée. »

*

Pompier, bon œil...

Ils agressent les pompiers à coups de marteau
de barres de fer
de chaises
et de tessons de bouteilles
(à part ça
tout va bien)
les pompiers sont même obligés
de manifester
pour qu’on ne les agresse plus

Depuis on a assuré en haut lieu
qu’un plan de sécurisation des interventions
était en phase d’élaboration…

*

« On a envie de changement ! » 

C’est dans l’air du temps mais on ne voit rien venir depuis des lustres…

*

Algérie : La jeunesse dans le brouillard

Un sujet intéressant mais un titre mal choisi !

*

Jean dort mes cons

D’ailleurs, qui a lu l’un de ses livres ?

*

Une liste noire avec de grosses zones d’ombre 

J’aime bien ce titre qui résume bien à lui seul le scandale des paradis fiscaux.

*

Le poids lugubre des mots

On ne dit plus « personnel reclassé » ni « personnel en sureffectif » mais « personnel en suroccupation ».

*

L'enthousiasme n'était pas la meilleure des prophéties

Pas né à l’âge de pierre, ni à l’âge industriel, pas plus qu’à l’âge de la Grande Guerre ni de la Seconde... Né à l’âge du Premier choc pétrolier… cependant j’étais alors bien loin de m’imaginer cet « âge de merde » dans lequel nous vivons aujourd’hui.

*

Mars sur écoute…

Les autres dieux n’ont plus qu’à bien se tenir.

 *

Black Friday, Cyber Monday, Sex Saturday 

J’peux encore faire ce que je veux, quand je veux, d’accord !!!

*

Une nouvelle maladie incurable est apparue… 

C’est la Macronite aigüe.

*

Un juge nommé, l’enquête relancée 

On sait à quoi tient l’efficacité de la justice dans notre pays…

*

Culture : Vincent Lagaf’ en mode survie 

François-Xavier Farine en état de sidération.

*

Pensée au saut du lit en rapport avec l’actualité avant d’enfiler mon gilet jaune pour partir à vélo...

Quand tu as une matraque et un bouclier à la main, tu finis rarement philosophe.

*

Des partenaires jetables 

Demain, il suffira d’un clic.

*

Retrouvailles au sommet

Sur les réseaux sociaux, j’ai retrouvé des copains et des copines d’hier. Ils ont tous des barbes qui poussent et des seins qui tombent.
Comme le chantait le variétologue François Valéry : « On a bien fait de s’aimer vivants ! »

*

On nous prend royalement pour des cons, hein, Jean-Jacques ?

« Il suffira d'un SMIC, c'est certain-ain-ain-ain... »

*

Le travail du futur : des vacances perpétuelles

L'entreprise VIAT (Very Important Android Technology) a remplacé tous ses employés par des robots. Plus de 35 heures, plus d’absentéisme, plus de retard au travail, plus de pause-déjeuner, plus de conflit de personnel, plus de grève, de réunion de service improductive, de personnel à former, de discussions stériles, plus d’épuisement au travail. Une efficacité optimum !
« Tous les problèmes sont enfin résolus ! » déclarent, à l’unisson de leur patron, tous les ex-salariés qui sont en vacances 24 heures sur 24 tout en continuant à être payés à 95 % puisque leurs robots-clones travaillent désormais à leurs places en continu, sans pause, jour et nuit, avec un rendement beaucoup plus efficace.
« Au final, dans cette société-là, tout le monde est gagnant ! » souligne le Directeur Général, lui-même cloné de cette grande entreprise high tech, qui sirote tranquillement un cocktail géant, au bord d’une piscine, dans un décor paradisiaque, à l’autre bout de la Terre.

*

(Décembre 2018.)

mardi 27 novembre 2018

L'herbe rase, l'herbe haute de Laurent Cennamo

l-herbe-haute-laurent-cennamo
éditions Bruno Doucey
septembre 2018
14 Euros


Une belle surprise aux éditions Bruno Doucey avec ce recueil d'un poète né en 1980 à Genève, d'un père italien et d'une mère suissesse. Mais le curriculum vitae d'un poète n'est pas essentiel.
Quand un recueil est bon et suffisamment original, ce n'est pas la peine d'en faire des tonnes.

Un extrait p. 40 :


Déluge

J'aimais quand le ballon était lourd. Il fallait,
pour le soulever, être Suédois, jouer

à la Roma ou à l'AIK Stockholm, s'appeler
Gunnar, ou Lennart, Nils. Certains jours de pluie,
le ballon, avance de franchir la ligne, mettait des siècles,
striés d'éclairs. Herbe lisse, bêtes furtives, la caméra
a de la peine à les suivre lorsqu'ils sculptent
leurs merveilles comme on creuse une galerie,
le trésor de leurs buts, comme un grand coffre
s'ouvre en grinçant. Déluge sur Rome,

diamant au front d'une reine, Suédoise
aux yeux verts, Venise, Ravenne, une fleur
de boue sur la poitrine, frappée d'un lys.
Plus près de la glaise, l'homme
fantomatique, joues creuses, lentement
se lève, le monde léger sachet de graines
à sa ceinture, quand il sort

samedi 17 novembre 2018

jeudi 15 novembre 2018

Collection « Paroles d’artiste »

gerard-fromanger
Fage éditions, 2014 à ….
6,50 Euros, le titre


C’est une petite collection très abordable qui ne paye pas de mine consacrée à l’Art contemporain, mais pas exclusivement. Chaque livret fait « dialoguer les propos ou les écrits d’un artiste avec son œuvre » et nous ouvre à l’intimité créatrice de chacun.
Près de 80 petits ouvrages ont déjà été publiés : Frida Kahlo, Gérard Fromanger, Robert Mallet-Stevens, Pierre Soulages, Hervé Di Rosa, César, Jean Dubuffet ou Henri Matisse…

Quelques prochains titres : Alfred Manessier, Joan Miro, Zao Wou-Ki, Robert Frank (photographe d'origine suisse) et Stanley Greene (photojournaliste américain).

Une très jolie découverte !

lundi 12 novembre 2018

Cécile Coulon, Prix Apollinaire 2018 : j’en tombe à la renverse !

cecile-coulon
« Son premier recueil de poèmes, les ronces (publié au Castor Astral) a fait l'unanimité, et vient d'être récompensé par le prestigieux Prix Apollinaire. » lit-on en préambule sur le podcast qui lui est consacrée sur France Inter.

Quand je vois écrites des choses comme cela, de bon matin, je suis extrêmement dégoûté bien que je sache que cette accroche réponde avant tout à un éclairage ou à un bon plan « médias ».

J’ai lu ce livre de  poésie 
« classico-lyrique », dès sa sortie, et franchement, pour parodier l’ami l’Anselme, « ça ne casse pas trois pattes à un canard », excepté les quelques premiers longs textes du recueil comme « J’aimerais vous offrir des frites » ou « L’appartement »…

Mais, forcément, quand on est publié au Castor Astral, on est plus en vue que Tartempion publié jadis chez l’ex-dé bleu, Gros Textes, La passe du vent, Les Carnets des Desserts de Lune, La rumeur libre ou au Pédalo ivre… Surtout, on a plus de puissance de feu pour arroser 90 % des librairies (qui ne connaissent à peu près rien à la poésie d’aujourd’hui), même avec des textes d’une confondante platitude.

Et, bien que ce soit le premier recueil de cette jeune poétesse, née en 1990 (ce qui n’excuse rien, bien au contraire), l’auteure n’hésite pas, parfois, hélas, dans ses textes, à enfiler des clichés poétiques comme des grosses perles…

Un extrait parmi d’autres :

LA PARTIE

Il y a des jours comme ça
où je me demande si
la partie est terminée
ou si, au contraire,
elle vient juste de commencer.
Aujourd’hui est un de ces jours-là
sauf qu’il dure depuis dix ans,
déjà.
Je commence à trouver le temps
long.
En plus de ça, depuis ce matin
je me demande si un poème
est le début, ou la fin
d’un énième chapitre.
J’en suis arrivée à la conclusion suivante :
un poème c’est quelque chose
d’éphémère et joli
comme la signature d’un doigt
sur la buée d’une vitre.


Si Cécile Coulon avait envoyé ce recueil aux éditions Gallimard en des temps beaucoup plus reculés, Claude Roy lui aurait sans doute répondu :

« Si la poésie s’enchaîne sur d’infinis clichés, le lecteur en est fatalement hérissé. Cela empêche de prendre garde aux comparaison plus originales. C’est vraiment dommage ! »

Si le Castor Astral éditeur a publié, depuis les années 70, des tas de bons poètes : Daniel Biga, Marc Villard, Claude Pélieu, Daniel Fano, Marc Alyn, Patrice Delbourg, François de Cornière, Brautigan, Tranströmer, Zéno Bianu, Serge Pey, Marie-Claire Bancquart, Ariane Dreyfus et plus récemment Denis Grozdanovitch et Thomas Vinau… je ne doute pas que, cette fois, il vende malgré tout quantités de ronces. Comme tout bon éditeur, il a déjà su tirer parti de la notoriété que cette auteure a préalablement obtenue dans le domaine du roman, où elle a publié précocement, dès l’âge de 16 ans, ainsi que, depuis quelques temps, sur les réseaux sociaux, où sa poésie a suscité de l’intérêt.

Le Prix Apollinaire devient-il un prix à Paul inerte ?

Il y a, selon moi, d’autres ouvrages de poésie qui mériteraient davantage ce Prix Apollinaire 2018. De nombreux poètes - jeunes eux aussi - qui possèdent une remarquable écriture, percutante, non consensuelle, qui font moins de bruit, et qui n’ont pas non plus un goût immodéré pour les plateaux peoplelolittéraires de François Busnel ou pour l'aventure des réseaux sociaux…

Je me rappelle cette phrase très juste de Jean-Claude Pirotte à l’attention d’un ami, alors jeune poète. Il le mettait précisément en garde contre les facilités liées à l’ère numérique et aux réseaux sociaux, contre cette soif de reconnaissance facile, ce miroir aux alouettes, avec ces fausses gloires préfabriquées ou prématurées :

« P. R., tu veux être une vedette ou un écrivain ? »

Je sais déjà que des poètes amis, des connaissances ou des contradicteurs me reprocheront ce post.

Habituellement, je m’abstiens d’écrire ce genre de billet réprobateur, préférant parler des recueils qui m’ont véritablement enthousiasmé…

Mais, pour le Prix Apollinaire qui signifie quand même le « Goncourt de la Poésie », je ne pouvais pas passer mon désaccord sous silence.


samedi 27 octobre 2018

Daniel Biga et Henri Michaux

Quand tu trouves dans la même journée, l'édition originale numérotée de oiseaux mohicans de Daniel Biga (1969) et celle des grandes épreuves de l'esprit de Henri Michaux (1966), tu te dis que des fois t'as vraiment des couilles de poète en or !


daniel-biga-oiseaux-mohicans-originale


Un extrait d 'oiseaux mohicans de Daniel Biga, p.30-31 :


                                           Homme né en 1940
-- c'était la guerre on a toujours eu peur de tout
       dans la famille

où j'ai grandi
en sabots raison de mes pieds plats
je mangeais des topinambours de la polenta et des
         figues sèches
Mon père n'était pas grec mais électricien
avec un nom du Piémont j'ai aussi le sang
d'un berger des Pouilles et d'une princesse
        monténégresque
la tignasse
d'un corsaire maure qui séduisit une Catarina
         Segurana
d'il y a bien longtemps
Nous avons des héros morts et des couards aussi
la gloire nous a salués en plusieurs langues
parfois dans les deux camps nel stesso tempo
de César Martell Guiseppe Clemenceau à Bidon V
Héraldiquement riches troupiers purs aryens sans
         doute mélangés de
juif
comme tout le monde exactement
nous fûmes parfaitement inconnus et inutiles à
         travers
les siècles des siècles
et il n'y a merci Pépé aucune raison pour que cela
         change

le café est-il ciré le whisky dans le vécé les enfants
         au frigo
dans une certaine aisance voyez-vous doublée de
         pauvreté
C'est fait à l'étroit comme dans un cercueil
du 90 de large pour deux ça ne suffit pas
me voilà marié
aussi bêtement que mes ancêtres et pour que
leurs leçons profitent
nous durerons
sans grande convenance sans grand amour
par simple simplicité et pour arranger les choses
C'est fait tout va pour le mieux
je n'en dors plus
je me branle en pensant à d'autres filles
et aux destins hors du commun

mercredi 24 octobre 2018

La collection « Présence de la Poésie » des éditions des Vanneaux poursuit l'aventure des Poètes d'Aujourd'hui

Après les monographies parues chez Seghers, puis chez Jean-Michel Place éditeur, voici celles publiées depuis 2011 par les éditions des Vanneaux :

thierry-metzN°1 : Pierre Garnier par Cécile Odartchenko 
N°2 : Jean Malrieu par Pierre Dhainaut 
N°3 : Serge Wellens par François Huglo 
N°4 : Pierre Dhainaut par Sabine Dewulf 
N°5 : Gaston Puel par Eric Dazzan 
N°6 : Werner Lambersy par Paul Mathieu 
N°7 : Louis-François Delisse par Laurent Albarracin 
N°8 : Jean Rousselot par François Huglo 
N°9 : Pierre Peuchmaurd par Laurent Albarracin 
N°10 : Ariane Dreyfus par Matthieu Gosztola 
N°11 : Marc Alyn par André Ughetto 
N°12 : Max Alhau, une mesure ardente par Pierre Dhainaut 
N°13 : Petr Král par Pascal Commère 
N°14 : Antoine Emaz par Matthieu Gosztola 
N°15 : Jean-Paul Michel par Richard Blin 
N°16 : Jean-Pierre Bobillot par François Huglo 
N°17 : James Sacré par Alexis Pelletier 
pascal-commereN°18 : Thierry Metz par Cédric Le Penven 
N°19 : Jean-Claude Xuereb par Jean-Lous Vidal 
N°20 : Ivar Ch'Vavar par Charles-Mézence Briseul 
N°21 : Jean-Paul Klée : ici & maintenant par Mathieu Jung 
N°22 : Michel Valprémy : 1947-2007 par Matthieu Gosztola 
N°23 : Henri Thomas par Jacques Laurans 
N°24 : Pascale Commère par Amandine Marembert

On peut se les procurer en librairie ou en se rapprochant sans doute de l’éditrice, Cécile Odartchenko, pour les titres beaucoup plus rares.

Contact : La page Facebook des éditions des Vanneaux

mercredi 17 octobre 2018

Un page manuscrite du poète Jean Breton (1930-2006)


jean-breton-poeme-manuscrit
© Collection privée F-X Farine

4 extraits de Serment-tison, La Bartavelle éditeur, 1990.


La peau lisse, halée comme l'enfant du clair de lune, bouche de
fraisier, nez ferme qui quémande, genou en obus de cuivre, belle
gueule ouverte sur nos images communes à entasser et sur notre
avenir à écrire en calligraphie de caresses.

*

Je te déshabille avec des gestes très lents, en
commençant par le cœur.

*

L'érotisme sans amour est un moteur amer - je l'abandonne à
mes lecteurs et à tous les voyeurs !

*

Je m'approche à pas de loup de son visage.


                                                                    Jean Breton 


En savoir plus sur Jean Breton, l'éditeur et ami des poètes, fondateur de la revue Poésie 1 (avec son frère Michel Breton), de 1969 à 1987.

mercredi 10 octobre 2018

Mon premier bouquin a failli ne jamais être édité (et pour cause)


francois-xavier-farineUn premier éditeur
m'avait conseillé
de l'envoyer au Castor Astral
(une maison d'édition
beaucoup plus importante
que la sienne)
le deuxième l'avait aimé
mais partait en retraite
trois mois plus tard
m'enguirlandant presque
de ne pas lui avoir envoyé
plus tôt
un troisième éditeur
souhaitait le publier
sans savoir si
d'ici deux ans
il poursuivrait son aventure éditoriale
(partie depuis en cacahuète)
trois autres éditeurs
ne m'ont jamais répondu
un septième désirait
le publier
mais pas avant au moins trois ans
Au bout de cinq ans
je me suis finalement décidé
à l'envoyer
à un huitième éditeur
qui l'a publié
quatre mois plus tard.


Extrait d'un recueil inédit, à paraître en 2019, chez un éditeur sans doute inédit. 


François-Xavier Farine :

Né en 1971 à Lille,
François-Xavier Farine vit toujours dans le Nord.
Avant d’être poète, il était fana de sport. Alors, lorsqu’il n’écrit pas, il court ou fait du vélo.
Il a publié, depuis 2001, textes et articles en revues (Lieux d’Être, Décharge, Poésie/première, nord', Microbe, Eulalie...) et sur internet (Poezibao, Texture, Realpoetik).
Depuis décembre 2010, il anime le blog Poebzine devenu Le feu central.

Il organise également depuis 2014 les lectures-rencontres poétiques de la Médiathèque départementale du Nord. Poètes reçus à ce jour : Frédérick Houdaer, Sophie G. Lucas, Marlène Tissot, Simon Allonneau, Grégoire Damon, Eric Dejaeger, Jean-Yves Plamont, Fanny Chiarello, Hélène Dassavray, Estelle Fenzy, Pierre Tilman, Heptanes Fraxion, ainsi que Jean Marc Flahaut et Thierry Roquet au Café Le Polder d'Hellemmes en juin 2017.

Publications :
 
 
D’infinis petits riens, ill. Christophe Salembier, 4e de couv' Jean L'Anselme (Gros Textes éd., 2012)
Pleines Lucarnes, avec Thierry Roquet, ill. Maxime Dujardin, Préface Jean-Michel Larqué (Gros Textes éd., 2016)
Sacré Rimbaud (aérolithe éditions, mai 2018)

 

Participation au n°51 de la revue Poésie/première : « Humour & Poésie d’aujourd’hui », novembre 2011. 
N°59 de la revue Bacchanales : « DUOS : 118 jeunes poètes de langue française né(e)s à partir de 1970 », mars 2018.

Contact : fxfarine@free.fr

samedi 6 octobre 2018

Inédits n°21

de Thierry ROQUET, né en 1968 :

thierry-roquet


Le petit nuage & la foule 

Cet homme a au-dessus de lui
un petit nuage
sombre
qui le suit
partout où il passe
il en retire parfois
un Boeing 747
d’une compagnie Low-Cost
en pleine turbulence
ou
un hélicoptère de la station-météo
dont le pilote a fait un malaise
vagal
et les fait atterrir
de toute urgence
hors du petit nuage
sombre
en agitant les bras
à la façon d’un aigle royal
qui ouvrirait une foule
indifférente
ou
menaçante 
ou 
la mer morte 
si l’on croit aux miracles
si l’on ne craint pas la folie qui nous guette

                     * 

Le haut de la citerne 

Je suis déjà en nage
dans mon bleu de chauffe
un peu trop large
derrière une énorme citerne
un collègue approche :
- viens, on va s'en griller une.
comme j'hésite un peu
il trouve à me convaincre :
- t'inquiètes, le boss peut pas nous voir d'où il est.
je pose mon grand pinceau
et le seau maculé d'huile
- moi, c'est Bob.
- Thierry, je réponds.
je lui demande

ça fait combien de temps
qu'il bosse dans la boîte
- deux ans, un peu plus peut-être
puis je lui demande si
ça lui plaît
alors il se marre comme une baleine
et les regards des autres
se tournent vers nous
- merde, y'en a bien un qui va nous dénoncer, tu vas voir !
puis il énumère sur ses doigts
d'un ton presque doux :
de 1 - ici, c'est ambiance gestapo
de 2 - le patron est un enculé
de 3 - le salaire est pourri
de 4 - je te parle pas de l'organisation et des rotations
il me tend une Heineken 33 cl
sortie d'un sac plastique
et tiédie par le soleil
- je trouve pas de 5 pour l'instant mais j'te jure qu'il doit bien y en avoir un…
dans l'après-midi
fatigué
par la répétition des efforts
je prends une petite pause clope
bien méritée
à l'abri des regards
Bob, mon collègue revient me voir :
- t'avances pas vite, nom de dieu... tu veux un coup de main sur le haut de la citerne ?
- nan ça ira, j'vais m'y remettre.
- c'est la première fois que tu bosses sur un chantier, hein ?
puis il me lance tout sourire :
- et de 5, j'ai trouvé : je crois que t'es vraiment pas fait pour ça !

                     *

Tu n'as pas encore lu « Mon chien stupide » ? 

Tu ne veux pas
d'animal chez nous
tu dis que notre appartement est
trop petit
tu dis que tu ne veux pas t’en
occuper
j’aimerais un chien
un bon gros chien
protecteur
fidèle
et
câlin
tu sais John Fante
avait un chien
il en parle drôlement bien
dans un bouquin
mais
tu ne l’as pas encore lu
&
ça ne te fera pas
changer d'avis
apparemment 
non non je ne me prends pas pour John Fante
je disais ça juste pour le chien


Thierry ROQUET :

Né en 1968 à Rennes, Thierry Roquet vit depuis 17 ans à Malakoff, en banlieue parisienne. Il a publié plusieurs plaquettes et recueils de poésie depuis 2006.
Parmi ceux-ci, je citerai volontiers : 9 bureaux en quête d'employés (2011), Comme un insecte à la fenêtre (2011), Le Cow-boy de Malakoff (2014) et L'ampleur des astres (sept. 2016) qui mêle aphorismes et textes courts.
Thierry Roquet écrit une poésie à caractère social, quotidienne, mais il décrit et éclaire « le pâle ordinaire » avec une écriture nette, précise, visuelle, pleine de lucidité, de dérision et d'autodérision.

Les écrivains qu'il affectionnent sont ceux de la « Biture Generation », que l'on appelle aussi « les écrivains américains post-beat » comme Charles Bukowski, Dan Fante et Mark SaFranko.

Publications :
9 bureaux en quête d’employés (-36° Éditions, 2011)
Comme un insecte à la fenêtre (Gros Textes, 2011)
Le Cow-boy de Malakoff (Le Pédalo ivre, 2014)
Pleines Lucarnes, coécrit avec François-Xavier Farine, préface de Jean-Michel Larqué (Gros Textes, 2016) 
L'Ampleur des astres (Cactus Inébranlable, 2016)
Luberon/Malakoff : correspondances électroniques, coécrit avec Hélène Dassavray (Gros Textes, 2017)

À paraître (peut-être) chez Gros Textes éd. :
à la périphérie du monde
Tournée d'adieux


lundi 1 octobre 2018

Marlène Tissot née en 1971


J'emmerde les alertes météo

Tu peux attendre que la pluie cesse
Ou tu peux apprendre
à faire la paix avec les nuages


                           *

J'emmerde le nombrilisme

Un poème qui parle de poésie
C'est comme une jolie fille
s'admirant dans le miroir


Marlène Tissot, extraits de J'emmerde... encore, (2e série), Gros Textes éd., 2018, 6 €.



marlene-tissot-novembre-2013

Son blog : mon nuage.free.fr

mercredi 26 septembre 2018

La poésie, c'est pas pour les boeufs !


pierre tilman-francois-xavier farine-heptanes fraxion
Pierre Tilman, François-Xavier Farine (coach) et Heptanes Fraxion
à la médiathèque d'Arnèke, le 23 septembre 2018.

(Fin du road-trip des lectures-rencontres poétiques dans le Nord !)



Si vous avez tout manqué, vous pouvez encore acheter les dernières publications des deux poètes invités chez l'éditeur ou en librairie :


heptanes-fraxion-il-ne-se-passe-rien

Heptanes Fraxion
Il ne se passe rien mais je ne m’ennuie pas 
Cormor en nuptial éd., 2018
16 Euros (hors FP)

Illustration Head Wood ; postface de Grégoire Damon
 
112 pages - ISBN 9782960224306
 
Imprimé en Belgique

Précommande : cormorennuptial@gmail.com 

Responsable : Gaël Pietquin
pierre-tilman-le-choix-des-couleurs

Pierre Tilman
Le Choix des couleurs
La rumeur libre éd., 2017
19 Euros

200 pages - ISBN 978-2-35577-146-0

Site de l'éditeur : La rumeur libre éditions

Prix Le feu central 2017.























mardi 18 septembre 2018

Lettre inédite de Max Jacob (1876-1944) à Ernest Gayon

max-jacob
Max Jacob (1922)


La lettre ci-dessous* du poète Max Jacob avait été photocopiée par un ami, il y a plus d'une trentaine d'années.
Elle était alors en la possession de la veuve d'Ernest Gayon qui était marchand de biens à Montargis, ami et vendeur de tableaux de Max Jacob.
Le plus terrible, c'est qu'après la lui avoir restituée, on suppose que l'originale a disparu, au décès de cette vieille dame, dans les poubelles des encombrants.
C'est donc par un quasi miracle que cette poignante lettre du poète Max Jacob nous soit parvenue, grâce à la ténacité de cet ami d'hier, Jean-Louis Cloët.

                                                                                       
                                                                                    le 14 janvier 43
                                                                                 St Benoît-sur-Loire
                                                                                                         Loiret

Cher ami.

Merci de vos souhaits qui trouvent en moi la réciproque. Au milieu des immenses malheurs de ma famille je m'étais promis de ne plus m'apercevoir des fêtes du nouvel an.
Mais comment s'isoler de la vie sociale ? de la vie amicale.

Merci tout va bien pour moi personnellement
on dirait que Dieu m'a choisi comme témoignage des protections qu'il réserve aux siens en m'élisant comme seul sain et sauf entre cinq frères et soeurs.
Je pense que votre bobo au pouce n'est pas plus grave que la crise d'asthme et de rhume dont je souffre aussi.

                                       Mes respectueuses amitiés à ces dames
                                   et mes deux mains dans les vôtres

                                                                Max Jacob


Le 5 mars 1944, Max Jacob est décédé au camp de concentration de transit de Drancy.

Biobibliographie de Max Jacob sur le site de l'association des Amis de Max Jacob


* Cette lettre est parue dans le n°2 de la revue Polaire publiée aux éditions GabriAndre en février 1998. Au sommaire de cette belle revue éphémère (4 n°) figurèrent de nombreux artistes et poètes du Nord. Parmi ceux-ci : Jean-Louis Cloët, Michel Auclair, Nicolas Devos, François-Xavier Farine, Philippe Brunet, Christophe Salembier, Stéphan Nowak, Fabrice Girard d'Albissin, Jean-Yves Plamont et Éric Legrand.