jeudi 23 mars 2023

Ce que m'a soufflé la ville de Milène Tournier

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Ce que m’a soufflé la ville
Le Castor Astral, coll. Poche/Poésie, 2023
9 Euros


En mars 2019, je découvrais la voix nouvelle de Milène Tournier, née en 1988, publiée, pour la première fois en poésie, avec son titre Poèmes d’époque dans la collection « Polder » de la revue Décharge et des éditions Gros Textes. Elle a publié depuis, coup sur coup, plusieurs recueils de très bonne facture : L’Autre jour (2020) pour lequel elle a obtenu le prix « Révélation Poésie 2021 » de la Société des Gens de Lettres, Je t’aime comme (2021), Se coltiner grandir (2022) aux éditions Lurlure et tout dernièrement cet inédit : Ce que m’a soufflé la ville dans la récente collection Poche/Poésie des éditions du Castor Astral.

Milène Tournier écrit « en marchant » - entre 10 et 20 km par jour - pour se rendre à son travail de documentaliste en collège, en réalisant sur son parcours des petits films qu’elle monte, le soir, avant de les poster sur sa chaîne YouTube, comme des poèmes-vidéos.

Milène Tournier écrit qu’« elle a besoin du corps et de la ville pour écrire ». La ville - entre Paris et Cergy - est son jardin et les gens qui la peuplent dans toute leur diversité et singularité. On retrouve d’ailleurs dans ses textes des bribes de conversations échangées au coin de la rue, dans les transports en commun, la bibliothèque, la boulangerie, l’hôpital, le bar, un parc où la poétesse reprend souffle. Comme une éponge, Milène Tournier enregistre les turbulences et instants de grâce tristes et/ou merveilleux du quotidien. Avec délicatesse. Sans jamais forcer ni le ton ni la voix. Parfois même ses textes peuvent prendre la forme de poèmes brefs, de haïkus urbains.

L’écriture de Milène Tournier interpelle. Elle prend le temps d’observer le monde quand l’hyper connexion et l’accélération du temps nous plombent tous.

Sensible, empathique et intimiste, Milène Tournier écrit « pour être moins triste que la tristesse » en déambulant dans les rues de Paris. Et pour que la vie, surtout, la déborde et rayonne sans doute plus loin encore qu’elle-même et que son « journal ouvert ».

C’est une fois encore emballant et très réussi.

3 extraits choisis :

Je pense que je vais essayer
de faire un truc
une fois chez moi
avec des gens
a dit devant moi la fille
et c'était rassurant que pas seulement moi
sois vague avec la vie.

*

Comme ces dames de peut-être trente-huit ans
qui dans un étirement nuque et dos dans le métro
reprennent possession de leur corps entier
et soudain
ne sont plus des mères mais des lianes.

*

Je sèche ma pluie à la bibliothèque
il y a long que je n'ai pas eu
d'averse en moi.
Est-ce pour ça ou pas
que ce n'est jamais assez, et que j'ai envie
d'une bibliothèque pour l'anonymat et les toilettes,
en même temps
que du soleil grand prince sans nuance,
en même temps
qu'être un peu dans l'eau pour flotter,
en même temps
qu'avoir le droit de m'allonger, le droit de manger,
le droit d'être nue à part une culotte, car le droit
du sexe même me le donnant je ne le prendrais pas,
Mon Dieu avoir surtout le droit du temps de savoir que
demain est l'été,
et celui d'une famille, des amis et du monde,
comme un escalier qui monte et 
la maison s'agrandit.

vendredi 3 mars 2023

Fuego del Fuego, anthologie de poésie d'Amérique Latine à paraître très prochainement...

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Joie pour cette anthologie à paraître le 7 avril prochain en librairie ! 
Fuego del Fuego sera en plus publiée par un éditeur des Hauts-de-France : les éditions Les Étaques.

Sûre qu'elle sera aussi un bon cru car on la doit à Laurent Bouisset qui, avant de s'affirmer comme poète, anime depuis des années le site du même nom, Fuego del Fuego, où il n' a eu de cesse de nous faire découvrir les meilleurs poètes latino-américains des XXe et XXIe siècles : poètes aînés, comme des poètes plus actuels jusqu'ici alors totalement inconnus en France.

En septembre 2016, sur mon ancien blog Poebzine, je présentais succinctement l'enthousiasmant bonhomme et lui avais demandé de me sélectionner trois poètes majeurs guatémaltèques pour déjà nous mettre l'eau à la bouche !


Il m'avait proposé trois grands auteurs incontournables : Luis Alfredo Arango, Manuel José Arce et Julio C. Palencia.

La puissance de leurs textes et de leur univers poétiques respectifs m'avaient littéralement scotché.

J'espère que nous serons nombreuses et nombreux à acheter cette anthologie qui, j'en suis parfaitement sûr, vaudra le détour !

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Le poète guatémaltèque, Julio C. Palencia
en compagnie de Laurent Bouisset ©

Avec cette anthologie salutaire en poésie, Laurent Bouisset se place en quelque sorte dans les pas d'un Roger Caillois qui, avec sa collection La Croix du Sud, proposa de 1952 à 1970 chez Gallimard, les meilleurs romans ibéro-américains.

Muchas gracias Laurent Bouisset, hasta luego  y sobretodo larga vida a la Poesia !


Fuego del Fuego, le blog de Laurent Bouisset

Le site des éditions Les Étaques

jeudi 3 novembre 2022

Le prénom a été modifié de Perrine Le Querrec

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Éditions La Contre Allée
coll. La Sentinelle, 2022
15,50 Euros

« Le prénom a été modifié » est une formule consacrée que l’on retrouve dans les articles de presse relatant les procès, afin de préserver l’anonymat des victimes ou des présumés
coupables. Mais Le prénom a été modifié est aussi et surtout le titre de ce livre uppercut, 
écrit par Perrine Le Querrec, publié d’abord une première fois, en 2014, aux défuntes éditions Les Doigts dans la prose, et republié aujourd’hui par les éditions La Contre Allée.

Comme pour le recueil Rouge Pute qu’elle a écrit après Le prénom a été modifié, Perrine Le Querrec utilise la boue du réel pour forger une poésie âpre, corrosive, explosive, qui dit à la fois l’horreur et l’indicible.

Quel en est le sujet ?

Fin des années 2010 s’est déroulé le très médiatique procès dit des « Tournantes de Fontenay ». « Tournantes » pour ne pas dire viols en réunion, à répétition.
Les victimes sont deux jeunes filles. Deux dont le nom est modifié, invisibilisé, oublié.
Deux filles qui ont subi des viols, dans les caves et les airs de jeux.
Deux filles qui ont été violées pendant deux ans, par quinze hommes, parfois mineurs, devenus bons pères de famille. Ou qui ont fui.
Deux filles qui avaient 15 ans.

Le procès a lieu 15 ans plus tard. Il perpétue la souffrance, l’incompréhension, la mise à
mort. L’injustice.

Chaque matin, Perrine Le Querrec s’est assise à sa table et a écrit ces mots, comme une litanie : « C’est tout noir et marche devant seule droite avance en face debout. » Et le reste des mots suivait… Il fallait aller les chercher, les crier, les écrire pour gagner la guerre du silence.

Elle, plurielle et singulière, a une voix, un visage. Celui d’une ado rieuse, paillettes et copines, rêvant au grand amour.
« Mauvais choix les paillettes les rires danser sur le lit. Mauvais choix descendre les escaliers aller dehors parler sourire. Mauvais choix. Fille facile. Taspée des caves. Pute ».
Vendue par son « amoureux », poussée dans l’escalier. Violée, sodomisée battue, humiliée pendant des mois.
« Ils s’engueulent pour savoir qui passera le premier Après ils sont d’accord ».

15 ans. 15 ans à ne pas vivre, ne pas survivre. Cloîtrée, niée.
15 ans, avec le fardeau de 70 kilos supplémentaires à porter tous les jours.
Le poids d’un homme.
« 120 kilos. Oui regardez-les et le jogging mais si tu m’avais vu à 15 ans jolie et fine avec un sourire. Tu sais un sourire bien en face parce qu’il n ‘y a pas encore le mur de la cave »

15 ans de honte. 15 ans à croiser les bourreaux, à vivre dans le même immeuble, à passer devant la cabane de l’aire de jeux pour enfants, la cave.
15 ans d’agonie, de peur.

Et puis le tribunal.
« Depuis 15 ans la mort est là. C’est son grand jour ».

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Crédits photo : Fondation Jan Michalski
Perrine Le Querrec dit l’intime au plus profond, dans une langue à la poésie brute, mais seule capable d’incarner le ton juste.

Texte sans concession, Le prénom a été modifié prend à la gorge, secoue, happe, remue, tatoue à vif.

Un livre choc, marquant, que l’éditeur nordiste, La Contre Allée, a eu la bonne idée de rééditer !


>> Bio-bibliographie de Perrine Le Querrec

jeudi 15 septembre 2022

Jean L'Anselme et Michel Ragon...

 proposant leur revue Peuple et Poésie (1947-1951) au Marché de la Poésie de Paris en 1947.

Jean-L-Anselme

La poésie, c'est plus ce que c'était !