Ce blog est un laboratoire à ciel ouvert. Vous y trouverez des textes, articles et notes de lectures sur la poésie d'aujourd'hui. Succédant à « Poebzine » (2010-2016), il poursuit la belle aventure du feu.
Milène Tournier est née à Nice en 1988
et vit à Paris, où elle est documentaliste dans un lycée. Elle est apparue sur « la
scène » poétique dès 2019 et pratique l’écriture vidéo en partageant
régulièrement son travail sur YouTube et Facebook.
J’ai plutôt envie de parler de son travail poétique comme d’une sorte de « poésie
intégrale ».
Milène Tournier arpente la capitale, marche beaucoup (une vingtaine de
kilomètres par jour) pour rejoindre son travail ou son domicile.
En se déplaçant dans la ville, elle se filme et filme les gens, les vitrines des magasins, les affiches, les monuments, les choses qu’on abandonne par terre… De
tout ce qu’elle voit, avec toute cette matière vivante ou pas, elle recompose
des « poèmes urbains » qui mêlent à la fois le beau, le sensible, le
trivial et l’insolite.
En lisant la poésie de Milène Tournier,
on redécouvre le réel sous son regard d'observatrice en éveil. Sa poésie produit un
ré-enchantement du quotidien, du « tout ordinaire » comme elle l’a d’ailleurs
écrit elle-même.
Elle écrit aussi parfois des textes
amples qui parlent de la complexité des rapports familiaux, de leur caractère
émouvant, déchirant et passionnel. Parfois aussi des haïkus lourds légers comme
celui-ci :
Le clochard parle
Au pain qu’il mange
C’est résoudre deux problèmes en une fois.
ou celui-là :
Et tu mettras ta main sous mon ventre comme
Le ciel se pose
Sur les avions.
Je comprends bien ce qu’on peut aimer
dans sa poésie, c’est à la fois sa force et sa fraîcheur mues par une soif d’absolu,
où la poétesse pousse souvent les murs étriqués du poème avec les ressorts de l’imaginaire
ou la nostalgie heureuse de l’enfance… avec, parfois, une veine presque lyrique
dans l’expression des sentiments qui, personnellement, ne me déçoit pas.
Milène Tournier a déjà publié trois
recueils de poésie : Poèmes d’époque, préfacé par François Bon, dans la collection Polder (le n°184) dirigée par Claude Vercey, en 2019 ; L’autre jour puis Je t’aime comme en 2020 et 2021 aux
éditions Lurlure.
Elle a reçu en janvier 2022 le Prix « Révélation
Jeune Poésie » de la Société des Gens de Lettres (SGDL) pour son
deuxième recueil.
Milène Tournier n’a pas qu’une corde à
son arc puisqu’elle s’exprime aussi dans le théâtre (deux pièces éditées et jouées actuellement) et
le court métrage.
Je me souviens du jour où, en plein midi, lors d'un tournoi de tennis adulte, sous une chaleur accablante, menant deux sets à rien, j'ai senti mes forces m'abandonner très brutalement avant de quasiment m'écrouler à l'entrée du Club House. L'après-midi, dans le lit-couchette de la caravane de mes parents, je délirais avec plus de 41° de fièvre, cela dura pendant deux jours. Quand j'ai repris mes esprits, Boris Becker alias « Boom Boom » brillait sur le central ensoleillé de Wimbledon avec son service si caractéristique : genoux pliés avant de cogner la balle, comme un ressort qui se détend. (Coup de chaud 1986)
Où sont-ils maintenant : Anthologie personnelle : poèmes Gallimard. - (Du monde entier), 2021 23,50 Euros
Écrivaine
américaine vivant dans le Michigan où elle enseigne, Laura Kasischke était plus
connue pour ses romans et ses nouvelles bien qu’elle ait commencé par la poésie
comme elle le dit elle-même. Elle a pourtant publié dix recueils de poèmes et
reçu plusieurs prix importants.
La collection « Du monde entier »
chez Gallimard s’attache à nous faire découvrir, depuis 1931, les grands noms de
la littérature étrangère et favorise aussi, en France, depuis ces dernières
décennies, l’émergence et la reconnaissance de nouveaux talents : Philipp Roth, Martin Amis, Ian McEwan, Arundhaty Roy,
Manuel Rivas, Bernard Schlinck, Jonathan
Coe, Ludmila Oulitskaïa,
Erri De Luca, Zadie Smith, Orhan Pamuk ou Elena Ferrante.
Bien que lyrique, « métaphorée » et marquée par
l’empreinte évidente des meilleurs surréalistes français (Desnos, Péret), la
poésie de Laura Kasischke possède un étrange pouvoir d’attraction. Elle
convoque le cosmique et le quotidien dans un savant mélange d’intensité et de
prosaïsme brut, dans des poèmes au souffle ample et généreux, traversés par le
désir, l’angoisse, la mort, la vie, et vous emporte dans un maelström de
sensations vertigineux.
La dernière fois que j’ai ressenti pareil choc en poésie, ce
fut à la lecture de l’anthologie Baltiques :
poèmes (1954-2004) du poète suédois Tomas Tranströmer.
Seul petit bémol à cette belle anthologie,
elle n’est, hélas, pas en version bilingue.