vendredi 27 juillet 2018

André Laude, éternel fracassé inoubliable (1936-1995)

Sa mort, survenue dans une petite mansarde, à l’ombre du 13e Marché de la Poésie de Paris, le 24 juin 1995, m’avait bouleversé. Comme les disparitions prématurées de Thierry Metz ou d’Yves Martin. Personne, depuis, n’a remplacé ces grands noms de la poésie d’hier…
En consultant ma bibliothèque, je suis retombé sur un poème d’André Laude datant de 1976 qui garde toute son actualité et sa résonance.
Je ne résiste pas à l’envie de vous le communiquer ainsi qu’une photo qui figurait elle aussi dans le n°47 de la revue Poésie 1 dédié au « lyrisme ordinaire » présentant alors de nouveaux poètes comme William Cliff, Christian Da Silva, Jean-Pierre Lesieur, Marc Villard, André Laude, etc. à l’initiative de Gilles Pudlowski.

andre-laude-1976


Je fus enfant dans le noir
Parfois pour me punir mon père
m’enfermait seul dans le couloir
près de la boutique rutilante
d’oignons de poireaux et d’aromates
Puis il venait me chercher
avec sa grosse voix
il pardonnait m’embrassait
me tirait affectueusement les joues
Ce sont là souvenirs que le sang
devenu adulte
n’oublie pas.
Aujourd’hui il m’arrive souvent
d’être dans le noir
la lecture des journaux
est un acte terrifiant
En ces temps de flammes
et d’inquisition
On assassine partout les pauvres
on fauche partout la clarté humaine
Partout on bâtit prisons et esclavage
La voix de la speakerine
est une lame de couteau
qui fend le cœur et l’âme
Aujourd’hui il m’arrive souvent
d’être dans le noir
et le plus terrible est de savoir
que mon père ne viendra pas
avec sa grosse voix qui pardonne toujours
et ses mains ouvrières
pour me tirer les joues
dans le couloir Près de la boutique
Oignons Poireaux et Aromates

André Laude, extrait de Vers le matin des cerises, éd. Saint-Germain-des-Prés, 1976.

« André Laude parmi nous », un article plus ancien, suite à la parution des Œuvres complètes d'André Laude aux éditions de La Différence en 2008.

lundi 23 juillet 2018

Boris Vian (1920-1959)


« C’est drôle comme les gens qui se croient instruits éprouvent le besoin de faire chier le monde. »

boiris-vian-henri-salvador
Bras de fer spirituel
entre Boris Vian et Henri Salvador

vendredi 20 juillet 2018

POÈMES AMÉRICAINS

poemes-americains-christian garcin
de Christian Garcin
éditions Finitude, avril 2018
12 € 

Une bonne surprise que ces 32 poèmes américains « anecdotiques » de Christian Garcin qui me plaisent beaucoup, évoquant à la fois les États-Unis et les grands écrivains américains d'hier et d'aujourd'hui comme Edgar Poe, Thoreau, Emily Dickinson, Lovecraft, William Carlos Williams, Neal Cassady et Kerouac, Brautigan, Bukowski, Ferlinghetti ou encore Ron Padgett, etc.  en suivant leurs traces de Floride à Frisco, de Cap Code à Baltimore, de Greenwich Village à Lowell...

Un court extrait :
                        
                              Le phare

Hopper en vacances du côté de Truro
         tout au bout de Cape Cod
a peint la plage les maisons
         et le phare de Highland où Thoreau
était venu soixante-dix ans plus tôt

plus loin les dunes se chevauchent
         les falaises se drapent
de jaunes étourdissants
         et les petits oiseaux ont laissé sur le sable
d'étranges idéogrammes

comme dans un poème de Montale
         dont j'ai oublié le titre
avec des calligraphies d'oiseaux une plage
         déserte un phare peut-être aussi
et l'énigme du monde


Les éditions Finitude ont déjà publié, depuis 2010, de très chouettes choses ou raretés comme les deux tomes de la correspondance de Neal Cassady, figure emblématique de la Beat Generation, des poèmes de Georges Perros parus uniquement en revues, le premier livre de Grégory Cingal, Gaston Chaissac, le dernier Pierre Autin-Grenier, les 4 premiers volumes du journal de Thoreau et viennent juste de republier Jérôme, roman chef-d’œuvre de Jean-Pierre Martinet, ex-maudit qu'on redécouvre enfin.

mardi 17 juillet 2018

Didier Deschamps né en 1968


« Au-delà de la qualité et du talent, il y a deux aspects importants : celui de la notion de groupe et de l'état d'esprit. »

Équipe de France 2018

« Les nouvelles technologies, elles sont là, je ne vais pas aller à leur encontre. Mais il y a aussi les mauvais côtés. (...) Aujourd'hui, il y a une intrusion permanente. »

didier-deschamps-panini-juventus-1998

Didier Deschamps, ex-milieu récupérateur de renom, sélectionneur de l'Équipe de France depuis 2012, Coupe du Monde de la FIFA, Russie 2018.

Le site de la FIFA avec les photos de la Coupe du Monde 2018.

mercredi 11 juillet 2018

Le Grand Prix de Poésie RATP 2018, peut meuh faire...

ce-soir-la-poesie
J'ai participé au prix « Rienàtaper » pour voir et j'ai vu... Dans le jury, le chanteur Raphaël, Valeria Bruni Tedeschi, Charles Berling, et l'inénarrable, poète artisan, Bruno Doucey*.

J'ai lu les « courts poèmes », haïkus ou textes « aphoristiques » qui ont été sélectionnés et je cherche encore, parmi ceux-ci, ce qui a bien pu retenir le jury dans 95% des poèmes plébiscités... ?

J'en viens à penser que :


1) Ils ont dû jouer à la loterie, après un bon repas bien arrosé, pour opérer cette tonitruante sélection !

2) Pour établir leurs listes de présélection, ils ont sans doute dû faire appel à de futurs étudiants en Lettres qui n'avaient visiblement lu que des poèmes de Grand Corps Malade ou des « poèmes charades » ou « carambars ».

3) Seuls les apprentis poètes ou poètes débutants avaient une chance maximisée d'être sélectionnés.

En tout cas, comme je le formulais déjà sous forme de boutade dans un post publié, il y a quelques jours sur Facebook, cette initiative ne va pas réconcilier le Métro avec la poésie !

Voici le court texte calibré (« Catégorie + de 18 ans ») que j'avais envoyé :


     Explosante-fixe

Ce matin le soleil était planté
comme une ampoule électrique
au plafond
comme dans une toile surréaliste
et dessinait des traits
de lumière
sur le joli galbe de tes jambes
au-dessus de toute considération matérialiste
dans le matin couleur cerise
& oiseaux

Les gagnants du Grand Prix Poésie RATP 2018 sont ici, si vous souhaitez rigoler/déprimer un peu (rayer la mention inutile).

* (Bien qu'il soigne particulièrement son look de poète, il est quand même meilleur en tant qu'éditeur.)

lundi 9 juillet 2018

Marc Guimo en « Full Metal Poète » tandis que Jean Marc Flahaut et Frédérick Houdaer font leur Cinéma

Deux recueils de poésie qui sortent des « chantiers » battus en ce moment :

marc-guimo-la-poesie-personne-n-en-lit

La poésie, personne n’en lit de Marc Guimo
La Boucherie littéraire, mai 2018
12 €
 

Marc Guimo, c’est le fils de Bukowski qui aurait été cloné avec Simon Allonneau. Sa poésie est lucide, décapante, drôle, énergique, moderne et revitaminante ! Je ne m’étais pas trompé en pariant sur ce sbire, l’an dernier !
« Prenez un lieu commun, frottez-le, vous ferez œuvre de poète » disait Cocteau...
Dans ce recueil, Marc Guimo, lui, se saisit du mot « poésie » dans toutes les acceptions du terme.
Il s’approprie aussi tous les lieux communs qui gravitent autour de celle-ci : poète, écriture, inspiration, public, éditeur, lecteurs, non-lecteurs pour mieux la réinterroger, la redynamiter, lui réinsuffler un surcroît de vie, quelques particules hautement radioactives, afin d'affoler cette jeune fille ou vieille maîtresse corsetée qui serait tellement plus belle à poil et en liberté… 

Un extrait :

Leçon de poésie niveau IV 

Laisse les étoiles tranquilles
leur cadastre est déjà impeccable


Laisse le cœur dans la poitrine
tu n’es pas médecin

Laisse la nuit aux veilleurs
et la nature aux espèces disparues

Laisse ton être et ton âme
picoler dans un coin

Laisse la vie devenir capitaliste
et la mort communiste

Laisse l’éternité faire du stop
et se planter de route

Laisse les fleurs se vendre
et adoucir les couples


Laisse tes morceaux
mijoter une heure ou dix ans


Ça va aller
n’écris pas tout de suite

Tu es trop propre
tu n’es pas prêt

Ce n’est pas toi que tu cherches
on s’en fout de toi

Tu peux calculer tous les jours
le diamètre de ta sphère

Le petit vieux marrant du rez-de-chaussée
est plus important

Le jour des encombrants
est plus important

Des sachets plastique s’accrochent aux arbres
drapeaux blancs de ta banlieue

Si tu veux des signes va les chercher
négocie chaque chose que tu vois

Ne te laisse pas faire
Ne te laisse pas faire


Commander le livre dans toutes les bonnes librairies 
Le catalogue des éditions la Boucherie littéraire


cinema-inferno-flahaut-houdaer
Cinéma inferno
de Jean Marc Flahaut et Frédérick Houdaer
Le pédalo ivre, juin 2018
11 €


Cette belle association de « malfaiteurs » nous propose (en poésie) une Histoire fragmentaire du cinéma des années 70-80 . C’est culotté et bien envoyé. On retrouve bien sûr l’originalité et l’iconoclastie de l’un et l’autre des deux poètes, sans pouvoir toujours distinguer, dans chaque texte, la voix de l’un ou de l’autre. Preuve que la fusion a bien opéré sur la table de montage d'après rushs.
Se succèdent avec brio une alternance de textes longs et courts, mêlant l'enfance et l'adolescence des deux loustics à des anecdotes cinéphiles, des évocations de films (grand public ou indépendants) ou d’actrices et d’acteurs qui prolongent l'engouement et la rêverie vers notre propre cinéma intérieur !

Un extrait :

MON COEUR V.H.S MIS À NU

1.
mixer Starfix et Rutebeuf
MadMovies & Baudelaire
Fante & les pornos de Marc Dorcel
une adolescence dans la France des années 80

2.

n'avoir pour seul vocabulaire anglais
que celui qui compose les titres des films d'horreur
programmés au Festival d'Avoriaz chaque année
lorsque mes propres parents

se sont mis au même âge
à parler couramment la langue des Beatles
en écoutant les Beatles justement

3.
revoir vingt fois Le locataire de Polanski
n'était pas une erreur
l'infliger aux jeunes filles qui m'intéressaient
en était une

ne le comprendre
en rire
que vingt ans après
en me souvenant de la panique de x
de la fuite de y 

Commander le livre sur le site du pédalo ivre

mercredi 4 juillet 2018

Inédits n°20

de Pierre TILMAN, né en 1944 :

pierre-tilman
Pierre Tilman à la guitare à mots (2013)

Quelques extraits de 35 poèmes en couleurs.


ce matin

je me sens

méchant hargneux

agressif borné

bref

en parfait accord

avec le

monde


 
Guillaume Apollinaire

je ne sais jamais si

ça s’écrit

Appolinaire

ou Apollinaire

en tout cas je sais que

ça ne s’écrit

ni Apolinaire

ni Appollinaire

 

Un jour les mots se sont mis
à briller 
et l’existence des choses est devenue terne. 

 
? ? ? ? ? ?
? ? ? ?? ? ? ? ? ? ? ? ?
? ? ? ? ? ? ?? ? ? ? ? ?
IL Y A DES POINTS D’INTERROGATION
? ? ? ? ? ? ?? ? ? ?? ?
? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ?
MAIS IL N’EXISTE PAS DE POINTS DE RÉPONSE
? ? ? ?? ? ? ? ? ? ? ? ?
? ? ? ? ? ?



ENFER LE MOINS POSSIBLE




file
fuit
peur
court
coule
rouge
suinte
poème
s’élargit
fait tache
s’agrandit
s’enveloppe
se développe
le poème rouge
gagne du terrain
il se remplit de cris
de vacarme de bruits
c’est un poème rouge
il se remplit de violence
c’est un poème rouge sang
qui veut tuer les autres mots
il ne supporte pas les autres mots
c’est un poème complètement rouge
il ne supporte pas les autres couleurs
il se remplit de mouvements d’agressions
il ne veut pas que les autres mots s’expriment
c’est un poème rouge qui se remplit de négations
il se sent capable de liquider toutes les autres couleurs
il peut les anéantir sans éprouver ni remords ni regrets
rouge il veut obliger tous les autres mots à se taire rouge
c’est un poème totalement rouge rouge colère rouge honte
il veut empêcher tous les autres de vivre et d’exister rouge mépris
il veut les réduire les broyer les tuer le poème tout rouge est contagieux
il s’infiltre et se répand il grossit et se gonfle se multiplie s’installe envahit



parler en silence
  savoir en ignorant
   rigoler en pleurant
      mentir en vrai
          aimer en détestant
        caresser en frappant
               partir en restant
                  vivre en mourant
              rajeunir en vieillissant
                  réussir en ratant
           se rappeler en oubliant
                     trouver en perdant
                         ouvrir en verrouillant
                        prendre en donnant
                                chier en mangeant
                                hurler en murmurant
                                  rougir en pâlissant
                            descendre en montant
                                          tenir en lâchant
                                             voir en fermant les yeux
                                         avouer en niant
                                       défendre en attaquant
                                        inquiéter en rassurant
                                                suivre en précédant
                                              avancer en reculant
                                                    entrer en sortant
                                                        bâtir en détruisant
                                                   montrer en cachant
                                                    accepter en refusant
                                                    s’amuser en s’ennuyant
                                                              obéir en commandant
                                                                  finir en commençant



NE

VOUS

DISPUTEZ

PAS 
 
IL 
 
Y

AURA

DU

MALHEUR

POUR

TOUT

LE

MONDE



Pierre TILMAN :

Né en 1944 à Salernes (Var) et vivant à Sète, Pierre Tilman est un des plus grands poètes contemporains. Il a fondé la revue Chorus (1968-1974) avec Daniel Biga, Franck Venaille et Jean Pierre Le Boul'ch et publié une quarantaine d’ouvrages.

De 1968 à 1990, ses poèmes sont simples, directs, lucides, crus, pleins d’amour, de sexe et de tendresse. À partir des années 90, la poésie de Pierre Tilman quitte le carcan du livre, inspirée par son activité conjointe de plasticien. Elle s’expose alors sur les murs sous forme de sérigraphies, de collages, etc. Pierre Tilman la qualifie lui-même de « Poésie Audio-Visuelle ». Aujourd’hui, sa poésie juxtapose une approche ludique à un décodage de l’ordinaire des jours. Pierre Tilman a également consacré des monographies à des artistes peintres : Peter Klasen, Erró, Yvan Messac, Jacques Monory, Robert Filliou...
 
Quelques publications :
 
Hôpital silence : anthologie (Seghers, 1975)

Le bonheur est une décision (Sgraffite éditions, 1985) 
C’est l’ histoire d’un type (L’Évidence, 1998)
Ah s’ il pouvait faire du soleil cette nuit (Wigwam, 2003)
Questions (Plaine Page, 2010)
Un trimestre, avec Agnès Rosse (Gros Textes, 2011)
Espèces de listes (éd. Galilée, 2012)
J'en ai marre de ce poème (Gros Textes, 2015)
L’Amour Moderne (La rumeur libre éd., 2015) 
Le Choix des couleurs (La rumeur libre éd., 2017)
Je suis revenu à moi (Gros Textes, 2017)