Le programme des manifestations sera dévoilé dès la rentrée.
Depuis 2014 : Sophie G. Lucas, Marlène Tissot, Frédérick Houdaer, Grégoire Damon, Simon Allonneau, Éric Dejaeger, Jean-Yves Plamont, Fanny Chiarello, Hélène Dassavray, Estelle Fenzy, Heptanes Fraxion et Pierre Tilman sont passés chez nous.
On les connaît depuis un peu mieux...
En attendant, je vous dis à bientôt et souhaite à chacun et chacune d'entre vous tous mes bons vœux (en poésie et partout ailleurs) avec un texte qui relate, justement, l'un de ces bons moments :
Doux dingue.
Les quatre jours passés dans le Nord ont été du doux dingue. Doux dingues les poètes invités. Doux dingues les lectures. Doux dingues les publics. Doux dingues les paysages. Doux dingue Lille. Doux dingue Dunkerque. Bière bleue et poésie rouge, rater ma correspondance entre Paris et Lille car train bloqué dès potron-minet par des manifestants sur la voie, le port de Dunkerque, la chapelle des pêcheurs, les pirates et les corsaires, le rire de Fred, les détenus du centre pénitentiaire de Maubeuge, les lourdes portes de la prison, le ciel jamais vu aussi large en sortant, le beau Vieux-Lille, la douceur bleue de Marlène, parler parler parler rire rire rire rire dire dire dire la poésie, la route, le merveilleux verbe encyclopédique de FX, la sévère institutrice qui-n’aimait-pas-la-poésie-qui-dit-des-gros-mots, la conduite parfaite et attentive de Stéphane sauf quand il a démarré alors que j’avais encore un pied dehors, le sable gris la plage plate de Dunkerque, le sourire de cette fille lors de la deuxième lecture, les usines au bord de la mer, l’âpreté de Dunkerque qui me fait penser à Saint-Nazaire, les vitraux de la cathédrale de Notre-Dame-de-la-Treille à Lille et soleil dedans quelle chance, les hommes chapeaux à fleurs bas résille et robes colorées dans les rues de Dunkerque à la nuit tombée seuls ou en groupe rejoignant une fanfare un bar des amis, les épiphénomènes du carnaval de Dunkerque qui n’en finit pas de finir, « L’ART EST SIMPLEMENT LA PREUVE D’UNE VIE PLEINEMENT VÉCUE » en lettres lumineuses sur le bâtiment du FRAC de Dunkerque, lu en escaladant des grillages pour sortir d’un parking sang bleu comme Chimay, le monde plus doux plus dingue parce que nous parlons des heures de poésie, Carver Brautigan Bukowski, arracher quelques feuilles du carnet Moleskine et noter des noms de poètes, gens de polar, ne jamais en finir avec la littérature, la lecture de nos poèmes par de jeunes déficients intellectuels à la bibliothèque centre de Dunkerque, notre émotion, leur cadeau, le froid dans la chambre d’hôtel, le froid dehors, le froid souvent quand même, se rappeler les élections et ne pas avoir un bon pressentiment, lire L’apiculture selon Samuel Beckett de Martin Page dans une petite brasserie face cathédrale à Lille, le minuscule ascenseur de l’hôtel, nous quitter gorges serrées le soir, et le matin, maudire mon appétit de livres quand il faut porter le sac, le train qui fait demi-tour au tiers du voyage qui ne peut aller plus loin pour cause de vol de câbles une heure de retard, la poésie rend les journées élastiques. Je perds le Nord et la boussole. Temps géographies doux dingues.
De l’ouest, je repars dans deux jours vers le sud, l’art est simplement la preuve d’une vie pleinement vécue.
Sophie G. Lucas :
Perdre le Nord ou le retrouver
avec Sophie G. Lucas
Doux dingue.
Les quatre jours passés dans le Nord ont été du doux dingue. Doux dingues les poètes invités. Doux dingues les lectures. Doux dingues les publics. Doux dingues les paysages. Doux dingue Lille. Doux dingue Dunkerque. Bière bleue et poésie rouge, rater ma correspondance entre Paris et Lille car train bloqué dès potron-minet par des manifestants sur la voie, le port de Dunkerque, la chapelle des pêcheurs, les pirates et les corsaires, le rire de Fred, les détenus du centre pénitentiaire de Maubeuge, les lourdes portes de la prison, le ciel jamais vu aussi large en sortant, le beau Vieux-Lille, la douceur bleue de Marlène, parler parler parler rire rire rire rire dire dire dire la poésie, la route, le merveilleux verbe encyclopédique de FX, la sévère institutrice qui-n’aimait-pas-la-poésie-qui-dit-des-gros-mots, la conduite parfaite et attentive de Stéphane sauf quand il a démarré alors que j’avais encore un pied dehors, le sable gris la plage plate de Dunkerque, le sourire de cette fille lors de la deuxième lecture, les usines au bord de la mer, l’âpreté de Dunkerque qui me fait penser à Saint-Nazaire, les vitraux de la cathédrale de Notre-Dame-de-la-Treille à Lille et soleil dedans quelle chance, les hommes chapeaux à fleurs bas résille et robes colorées dans les rues de Dunkerque à la nuit tombée seuls ou en groupe rejoignant une fanfare un bar des amis, les épiphénomènes du carnaval de Dunkerque qui n’en finit pas de finir, « L’ART EST SIMPLEMENT LA PREUVE D’UNE VIE PLEINEMENT VÉCUE » en lettres lumineuses sur le bâtiment du FRAC de Dunkerque, lu en escaladant des grillages pour sortir d’un parking sang bleu comme Chimay, le monde plus doux plus dingue parce que nous parlons des heures de poésie, Carver Brautigan Bukowski, arracher quelques feuilles du carnet Moleskine et noter des noms de poètes, gens de polar, ne jamais en finir avec la littérature, la lecture de nos poèmes par de jeunes déficients intellectuels à la bibliothèque centre de Dunkerque, notre émotion, leur cadeau, le froid dans la chambre d’hôtel, le froid dehors, le froid souvent quand même, se rappeler les élections et ne pas avoir un bon pressentiment, lire L’apiculture selon Samuel Beckett de Martin Page dans une petite brasserie face cathédrale à Lille, le minuscule ascenseur de l’hôtel, nous quitter gorges serrées le soir, et le matin, maudire mon appétit de livres quand il faut porter le sac, le train qui fait demi-tour au tiers du voyage qui ne peut aller plus loin pour cause de vol de câbles une heure de retard, la poésie rend les journées élastiques. Je perds le Nord et la boussole. Temps géographies doux dingues.
De l’ouest, je repars dans deux jours vers le sud, l’art est simplement la preuve d’une vie pleinement vécue.
Extrait : Assommons les poètes !, Sophie G. Lucas, Éd. La Contre Allée, coll. Les Périphéries, 2018, 10 €.
Poète nantaise, Sophie G. Lucas est née en 1968 à Saint-Nazaire. Lancée par la revue Décharge en 2005 avec la plaquette ouh la géorgie, révélée ensuite avec son recueil Nègre blanche (Le dé bleu, 2007), Prix de Poésie de la ville d’Angers, elle a notamment publié aux éditions des états civils : moujik moujik (2010) et notown (2013 ).
Elle partage aujourd'hui son écriture entre une démarche autobiographique et intime, et une approche sociale et documentaire.
Dernières publications :
Désherbage, Éd. La Contre Allée, coll. Un Singulier Pluriel, 2019.
Témoin, Éd. La Contre Allée, coll. La Sentinelle, 2016.
Un chouette entretien de Sophie G. Lucas expliquant son travail poétique à l'occasion de l'édition 2016 du Printemps des Poètes à Rennes.
Un chouette entretien de Sophie G. Lucas expliquant son travail poétique à l'occasion de l'édition 2016 du Printemps des Poètes à Rennes.