Je n’aime pas les ateliers d’écritures
La Passe du vent, coll. Poésie
octobre 2020
10 €
Ce nouveau recueil de Jean Marc Flahaut porte un titre volontairement « provocateur », « antinomique », qui fonctionne comme une antiphrase et n’est donc pas à prendre au pied de la lettre. Le sujet s’inspire de la pratique des ateliers d’écriture créative que Jean Marc Flahaut anime maintenant depuis plusieurs années.
J’étais parti avec un a priori négatif vis-à-vis de ce recueil-concept et en retardais bêtement la lecture. C’était très con de ma part. Jean Marc Flahaut sait parfaitement construire un recueil et composer, ici, avec cette thématique particulière en lui apportant une dimension personnelle et originale. Comme il a toujours su le faire à chaque fois depuis son premier recueil, Rengaine, publié aux éditions des Carnets du Dessert de Lune en 2004. Dix-sept ans déjà !
Au regard de la liste de ses ouvrages publiés (treize au compteur) : recueils personnels : Rengaine, aliéné(s), Nouvelles du front de la fièvre, Bad Writer ; collaborations avec d’autres auteurs (Shopping ! Bang Bang !, Cinéma inferno, Paradise) et des textes plus hybrides, courts romans : Spiderland, L’amour de l’île, Stockholm, Deadline… je ne comprends toujours pas pourquoi ce poète est si peu valorisé ou remarqué par la critique poétique actuelle ? Bref, je m’interroge toujours…
Pour moi, ce silence est indécent. Depuis plus d’une
quinzaine d’années, l’écrivain Jean Marc Flahaut a été peu mis en avant alors
qu’il a été plébiscité par plusieurs d’entre nous : Éric Dejaeger, Luc
Vidal, Philippe Lemaire, Thomas Vinau, François-Xavier Farine, Fanny Chiarello,
Marlène Tissot, Thierry Roquet, Frédérick Houdaer, Daniel Fano, Samantha Barendson,
Sophie G. Lucas ou Patrick Varetz. Il a également été publié par des éditeurs
qui sont de fins connaisseurs : Jean-Louis Massot, Daniel Labedan et Thierry
Renard aujourd’hui.
Enfin, en 2020, trois de ses poèmes ont fait partie de l’anthologie, Nous, avec le poème comme seul courage, du Castor Astral orchestrée par Jean-Yves Reuzeau
parmi d’autres voix apparues plus récemment : Tom Buron, Isabelle
Bonat-Luciani, Rim Battal, Florentine Rey ou le jeune Alexandre Bonnet-Terril.
Les textes de Je
n’aime pas les ateliers d’écriture issus d’une longue pratique à
caractère sociale ne sont jamais gratuits. L’auteur y surprend ou voit affleurer
à la surface des publics fréquentés (détenus, aliénés, jeunes en apprentissage,
étudiants, adultes), lors des différents ateliers, des « lueurs » ou
des « instants poétiques » qu’il nous restitue avec sobriété.
Comme les poètes américains objectivistes et imagistes qu’il affectionne, Jean
Marc Flahaut aime « poétiser le réel en usant d’un langage
ordinaire ». Il se tient toujours en retrait, souvent effacé, empathique,
émerveillé ou simple témoin, regardant le poème des autres s’écrire sous ses
yeux.
Cette réalité du poème peut être belle, vraie, dure, inattendue, émouvante :
Pour adultes
Elle pose son
stylo
et dit avant de venir à l’atelier je ne faisais jamais attention
aux nuages je ne
les voyais même pas
et puis les enfants
ont grandi ils se
sont envolés et j’ai
enfin levé les yeux
vers le ciel pour
les regarder partir
Parfois les textes sont de simples propos entendus qui font mouche, des scènes
vécues ou de courts poèmes qui sont davantage des réflexions ou des
considérations du poète lui-même sur l’écriture.
L’humour y est
aussi plus présent que dans les précédents recueils de l’auteur, finement
distillé, implicite dans « L’enfant intérieur » par exemple ou ubuesque
dans « Cadavre exquis », situation vécue que le poète m’avait
un jour racontée, le rire aux lèvres :
Cadavre exquis
Trois ans après, l'hiver s'installe.
Par dépit amoureux, le directeur d'école
met en place un projet autour de la
poésie.
Il compte sur les parents d'élèves
pour lui remonter le moral.
L'imagination se libère
mais le rythme est mou.
Le ministère envoie un écrivain.
L'écrivain ne se pointe pas en classe.
On le retrouve dans un état troisième
sur un banc
au milieu de la cour.
La moins mauvaise façon de se droguer,
dit-il, c'est de fumer sur les aires de
jeux.
On le raccompagne directement à la gare.
Commander le recueil aux éditions de La
Passe du vent
ou contacter directement l'auteur sur son profil Facebook.
Le blog de Jean Marc Flahaut
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