© photo Frédéric Loeb |
Le poète Louis-François Delisse (1931-2017) est décédé dans la nuit du 6 au 7 février à l'âge de 85 ans à l'Hôpital Charles-Foix d'Ivry.
Je l'ai appris hier matin par le réseau de ses aficionados.
Affecté par cette triste nouvelle, je me sens bien incapable d'écrire quelque chose d'autre sur ce poète majeur que je n’ai pas déjà écrit ici ou là sur Poezibao en 2009, la revue nord' en 2010 ou la revue eulalie
du CRLL Nord-Pas-de-Calais en 2011.
Sur
son parcours de « maudit » sans cesse éclipsé puis
redécouvert, son compagnonnage toujours enthousiaste – du début
des années 50 jusqu’au milieu des années 80 – avec les
meilleurs peintres du Nord, avec lesquels il fréquenta la Galerie
Dujardin (1905-1980) de Roubaix ou l’Atelier de la Monnaie de
Lille, avant son départ pour le Niger en 1955, ses brefs
allers-retours en France entre-temps, et son retour forcé et
définitif en 1975.
Le compagnonnage des grands peintres du Nord et l'Amitié de la poésie
Parmi
tous les artistes qu'il a bien fréquentés et avec lesquels il a
même collaboré illustrant de ses poèmes, tableaux ou assiettes,
citons : son cousin-peintre et « Gémeau » Jacky Dodin,
Arthur Van Hecke, Eugène Leroy, Jean Roulland, Eugène Dodeigne,
Jean Brisy, Jean Parsy, Marco Outtier, Lyse Oudoire, Charles Gadenne,
Louis Nahi, dernier artiste-témoin de cette effervescence-là, et Mahjoub Ben Bella.
J'ai
envie d'évoquer aussi ici la confrérie fidèle de ses amies et
amis, poètes, éditeurs, revuistes ou non, d'hier et d'aujourd'hui,
qui ont accompagné son parcours en poésie à différents
moments-clés de son existence et dont il me parla souvent, de près
ou de loin, avec ferveur, dans sa voix ou dans sa correspondance :
Albert Béguin, Albert Derasse, André Marissel, Guy Lévis Mano,
René Char, Henri Michaux, Jimmy Gladiator, Guy Ferdinande, Pierre
Peuchmaurd, Anne-Marie Beeckman, Michel Valprémy, François Leperlier, Jacques Josse,
Cécile Odartchenko, Charles-Mézence Briseul, Françoise Favretto,
Jean-Yves Bériou, Yvar Ch'Vavar, Marie-Odile Gain d'Enquin,
Jean-Pierre Paraggio, Laurent Albarracin, Julien Stark, Anne-Marie Pédezert...
La mort, Louis-François Delisse la défiait depuis longtemps, très présente, dès le début déjà, dans sa poésie dionysiaque « noire
et blanche » – où Éros et Thanatos ont toujours fait jeu égal – comme chez Alain Borne ou André Laude, par exemple.
Jusqu'au bout, Louis-François Delisse aura évoqué, adoré la poésie, son « seul dieu », et crié plus fort « devant les poubelles et le cercueil », « merde à la mort qui mord et pue » tout en embrassant et en embrasant l'existence sous toutes ses formes en laissant une œuvre forte, non consensuelle, « brûlante et éclatante » comme l'écrivit Laurent Albarracin, son parfait« biographe ».
Jusqu'au bout, Louis-François Delisse aura évoqué, adoré la poésie, son « seul dieu », et crié plus fort « devant les poubelles et le cercueil », « merde à la mort qui mord et pue » tout en embrassant et en embrasant l'existence sous toutes ses formes en laissant une œuvre forte, non consensuelle, « brûlante et éclatante » comme l'écrivit Laurent Albarracin, son parfait« biographe ».
Louis-François
Delisse aurait aimé que je reprenne, en sa mémoire, un des meilleurs
poèmes engagés de René Char consacré à Arthur Rimbaud, je crois. Le voici :
TU AS BIEN FAIT DE PARTIR ARTHUR RIMBAUD !
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Tes dix-huit ans réfractaires à l'amitié, à la malveillance, à la sottise des poètes de Paris ainsi qu'au ronronnement d'abeille stérile de ta famille ardennaise un peu folle, tu as bien fait de les éparpiller aux vents du large, de les jeter sous le couteau de leur précoce guillotine. Tu as eu raison d'abandonner le boulevard des paresseux, les estaminets des pisse-lyres, pour l'enfer des bêtes, pour le commerce des rusés et le bonjour des simples.
Cet élan absurde du corps et de l'âme, ce boulet de canon qui atteint sa cible en la faisant éclater, oui, c'est bien là la vie d'un homme ! On ne peut pas, au sortir de l'enfance, indéfiniment étrangler son prochain. Si les volcans changent peu de place, leur lave parcourt le grand vide du monde et lui apporte des vertus qui chantent dans ses plaies.
Tu as bien fait de partir, Arthur Rimbaud ! Nous sommes quelques-uns à croire sans preuve le bonheur possible avec toi.
En
complément : Un témoignage audio unique de Louis-François Delisse réalisé
en 2013 par Cécile Odartchenko, éditrice de la monographie du poète
parue en 2009 aux éditions des Vanneaux, collection Présence de la Poésie.
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