Voici un extrait-confidence qui concerne plus particulièrement les rapports des poètes surréalistes avec l'éditeur, lequel m'a bien fait sourire :
Environ 40% des livres parus chez GLM entre 1935 et 1939, revues comprises, présentent des textes ou des images de surréalistes tels que Paul Éluard, André Breton, Valentine Penrose, Gisèle Prassinos, Philippe Soupault, Benjamin Péret, pour ne citer qu’eux. Du côté des peintres, Guy Lévis Mano rencontre notamment André Masson, Salvador Dalí, Joan Miró, Max Ernst, Pablo Picasso ou Yves Tanguy. Il est toutefois bon de rappeler que Lévis Mano n’a jamais adhéré au groupe surréaliste, et qu’il publie bien d’autres poètes indépendants de tout mouvement littéraire. Les relations avec les surréalistes n’étaient d’ailleurs pas de tout repos, car ces derniers manifestaient des exigences particulières qui ne facilitaient pas les ententes.
André Breton était peut-être le moins docile comme en témoigne la condition qu’il posa à paraître au catalogue GLM : l’éditeur dut promettre de ne pas accepter Louis Aragon, avec qui la rupture avait été consommée, et Jean Cocteau qu’il ne supportait pas.
GLM se plia à la demande de Breton dans la mesure où lui-même n’aimait guère la poésie des deux écrivains. Mais il ne gardait pas toujours un très bon souvenir de cette époque tumultueuse, du fait des complications qu’amenaient des considérations personnelles au sein des projets éditoriaux. Lorsque Jean-Marie Dunoyer l’interroge sur ses rapports avec les surréalistes, Lévis Mano donne la réponse suivante :
« Passionnants. Parfois difficiles. Des brouilles subites, impardonnables, éclataient entre eux. Quand l’un était dans le magasin et que survenait l’autre avec lequel il était en froid je m’arrangeais pour l’expédier dans l’atelier. Certains, bien sûr, étaient très gentils : Éluard, Char. Mais les autres... » Les autres se laissaient parfois dominer par des engagements pour le moins... surréalistes, en effet. Quoiqu’il en soit, les poètes trouvaient un certain confort chez GLM. La disparition de certains éditeurs les y mena, mais il y a avait une autre raison à cela, car des auteurs comme Breton ou Éluard étaient suffisamment connus pour être acceptés chez José Corti ou Gaston Gallimard. Quelle est-elle ?
Si ce n’était pour des questions d’argent ou d’adhésion à leur mouvement que les surréalistes vinrent aux éditions GLM, c’était pour le poète et l’artisan d’exception que figurait Guy Lévis Mano. Nous soulevons l’exemple de ce groupe d’artistes, mais des poètes comme Pierre Jean Jouve ou Jean Follain répondaient à des attirances semblables. De même, nous évoquons de façon prioritaire les années 1930 parce qu’elles signent une reconnaissance des éditions GLM qui n’est pas mise en doute par la suite. Ainsi GLM avait-il du succès auprès des poètes parce qu’il savait lire la poésie et prenait le temps de le faire. Il faisait preuve d’une grande attention envers le texte – et du même coup envers l’auteur – dans le but de pouvoir lui offrir l’habillage qui lui revient. La lecture du texte pour GLM avait partie liée avec la mise en pages qu’il allait en proposer, si bien que les poètes développaient un attrait pour le typographe. (...)
Consulter le mémoire de Rémy Sandy : L’œuvre typographique et éditoriale de Guy Lévis Mano : un acte d’allégeance à la poésie (juin 2009)
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