dimanche 22 décembre 2019

Jean-Claude Dubois, poète très discret

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Poète rare et discret, Jean-Claude Dubois est né en 1954 dans le Nord. Il a publié six recueils depuis 1974. Pudique, il parle plus des autres que de lui-même. Depuis quatre ans, nous habitons le même village. Avant cela, nous ne nous étions vus qu’une seule fois en dix ans.
Il ne sait pas que je lui dois une fière chandelle : c’est par son truchement que j’ai commencé à fréquenter en 1991 la poésie hexagonale (et surtout régionale) grâce à ses nombreuses critiques au sein de Rétro-Viseur. Dès mes 20 ans, il fut, en effet, un de ceux qui contribua à aiguiser, voire à accélérer ma connaissance en matière de poésie contemporaine.

Nous ne partageons pas forcément les mêmes terres poétiques (encore que je n’en sois pas si sûr) mais, même si tel était le cas, cela n’est pas bien grave puisque nous avons le même enthousiasme pour les poètes et la poésie.

Jeudi dernier - lorsque nous nous sommes revus pour la deuxième fois - j’étais aussi content que lui.  Il m’a parlé de Paul Vincensini, poète d’humour grinçant qui l’avait, en quelque sorte, intronisé en le publiant à l’âge de 20 ans. Du poète et universitaire, Serge Brindeau, qui l’avait aussi fortement impressionné et auquel on doit une des plus fabuleuses anthologies de poésie qui soit : La poésie contemporaine de langue française depuis 1945 parue en 1973, d’Yves Martin et, à mon évocation de Jean L’Anselme, il a, à son tour, souri de bonheur.

Mais « l’homme ne doit pas faire oublier le poète » ni le passeur

Jean-Claude Dubois a reçu en 1988 le Prix Kowalski pour Le Bois d’absence et publié ensuite, en 1993, L’Épine et sa mésange, qui a beaucoup plu à la poétesse Estelle Fenzy. 

Pour ma part, c’est le recueil, Le Canal, publié en 1999 chez Cheyne, son fidèle éditeur, qui m’a définitivement convaincu. Ce recueil insolite reconvoque l’enfance du poète, près d’un Canal. Cette évocation du canal (à la fois confident et ange gardien, source de fascination-répulsion, de tristesse et d’ennui aussi) entraîne avec lui tout un lot de réminiscences, et un passé plutôt solitaire et âpre que le poète suggère, avec beaucoup d’acuité et de délicatesse, comme dans l’extrait suivant :

    À plat ventre sur le chemin de halage, la tête effleurant l’eau, tout me semblait disproportionné. Mon passé, mes souvenirs et plus que tout, mes ancêtres, qui vivaient à la surface du canal sans même que je m’en aperçoive.

    Je suis resté là, suffisamment de temps, pour apprendre par cœur la moitié de l’enfer. L’autre ne m’appartenait pas encore. Je l’ai vécue comme une part de deuil, comme une empreinte qui s’ennoblissait en s’effaçant.

En 2007, Jean-Claude Dubois publiait un recueil plus étonnant, Leurs adorables, qui s’appuie sur l’écoute attentive de la musique classique : Chopin, Bach, Schubert, où écriture et musique se répondent, s’interpénètrent...

Sans faire de bruit, Jean-Claude Dubois est également toujours attaché à faire œuvre de passeur. En 1998, il avait rédigé : Le Silence parle ma langue, une chaleureuse et essentielle présentation critique de 24 poètes du Nord-Pas-de-Calais aux éditions Rétro-Viseur, dont il s’était volontairement exclu, et qui lui avait demandé trois ans de préparation.
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Depuis 2016, il codirige avec Jean-François Manier la collection verte chez Cheyne éditeur et il ne manque pas d’évoquer, lors de nos retrouvailles, des jeunes poètes comme Emmanuel Echivart, Jean-Baptiste Pedini, Loïc Demey ou Jean d’Amérique…

En retraite, depuis trois ans, je constate que son enthousiasme pour la poésie n’a pas du tout vieilli. Son dernier recueil vient juste de paraître. Il ne m’en a même pas parlé. Plus attentif aux autres qu’à lui-même. Il avoue « pratiquer peu internet et pas du tout les réseaux sociaux ». Préférant découvrir les nouvelles voix sur papier et dans la vraie vie, sans doute, où il reprend chaleureusement feu.

Une chose pour quoi je suis né : photographies, vraies fictions et semi-vérités, Jean-Claude Dubois, Cheyne, Hors Collection, 2019, 23 €.

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