Comment allons-nous dorénavant nous amuser ?, vous demandez-vous l'œil trouble et la lèvre tremblante, nous qui avions su remplacer les jeux de société sur la table du salon par le remplissage de cases afin de justifier l'achat d'une baguette, une clope au clair de lune, ou la mise en bouteilles du vin reçu en cubi click and collect de nos belles Côtes (du Rhône) ?
Rassurez-vous, lecteurs dépressifs et nostalgiques, j'ai la réponse et la partage aussitôt avec vous : précipitez-vous sur le recueil Je soussigné de Fabien Drouet, publié aux éditions La Boucherie littéraire.
Fabien Drouet, poète lyonnais multi-casquettes et talentueux né en 1982, a écrit ses « attestations dérogatoires de sortie » durant le premier confinement, répondant à l'urgence extrême de se trouver une bonne raison pour sortir de chez lui, imaginant les prétextes plus ou moins fallacieux de ses compatriotes en mal d'air frais.
Il en résulte des petites pépites poétiques et drôles : textes parodiques bourrés d'humour, d'énervement, de mauvaise foi et de fausse politesse (surtout à l 'égard de la maréchaussée habilitée au contrôle desdites attestations).
On retrouve bien sûr dans ces textes la mamie de l'auteur, bien connue de ceux qui suivent ses écrits sur Facebook, ainsi que son fils. Et de constater aussi que ces deux-là sont très utiles à prétextes.
Voyez plutôt, comme dirait une blonde présentatrice de chaîne de TV publique :
Je soussigné Fabien Drouet atteste sur l'honneur descendre en bas de mon immeuble afin de faire un petit foot (juste quelques passes promis juré craché) avec mon fils sauf si on rencontre des gens motivés et qu'on peut faire un 2 contre 2 comme la dernière fois avec les dealers de la place Valmy c'était très sympa. Bon courage dans votre mission.
Je soussigné Fabien Drouet atteste sur l'honneur descendre marcher un moment afin de ne pas finir par pousser par inadvertance ma grand-mère et colocataire de 92 ans qui m'agace fortement sa tête heurtant ainsi le coin de la table en verre mamie je l'aime, mais bon ceci m'obligeant de ce fait à découper son corps en morceaux suffisamment petits pour entrer dans le congélateur (...).
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Au fil des pages, on découvre aussi des personnages hauts en couleur : le Père Morel, sorti pour vérifier le temps de travail des agents de nettoyage de son quartier ; Raphaëlle, dénonçant « les enfants vecteurs principaux du virus jusqu'au 10 mai inclus »; Rita partie acheter de la drogue pour sa fille ou encore Bertrand et ses bons plans 2+1 offert en grande surface, égrainant, chacun, leurs piètres prétextes comme leurs obsessions.
Hilarant !
Il me faut ajouter que ce petit carnet est très pratique : 20 pages sont laissées blanches afin que vous puissiez vous y épancher à votre tour, si le cœur vous en dit.
On peut écouter Fabien Drouet lire quelques-uns de ses textes ici.
Autre publication :
Sortir d'ici (7€) publié en juin dernier aux éditions les étaques, éditeur lillois apparu en 2019.
Excellente chronique (une fois de plus) qui donne vraiment envie de lire ces "je soussigné..." 🙂 👍
RépondreSupprimerToujours de très belles chroniques, souvent drôles et doannt l'envie de lire tes lectures
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