samedi 5 décembre 2020

Orianne Papin, le sable délicat des mots

Orianne-Papin-poesie
Orianne Papin, une voix nouvelle à suivre...
Orianne Papin, née en 1983 et vivant à Fontainebleau, entre en poésie avec ce petit recueil de 20 textes, Poste restante, l’air de rien.
C’est une plaquette timide, mais forte, coéditée par la revue Décharge et les éditions Gros Textes.

Est-ce le récit d'une rencontre passionnée ? D'un amour de bord de mer fantasmé ?
Du premier amour qui continue de frémir parfois sous la poitrine et la peau ? Peu importe.

La magie opère et le lecteur, lui-même, s'abandonne volontiers à ces poèmes-confidences, en rêvant, entre les mots, à « cet été salé de confiture », et à  l'évocation - sous forme d'une correspondance (fictive ou non) - de cet amour pur, insouciant, rayonnant, « aux mains d'enfance »« au nombril heureux » qui s'éloigne, presque malgré soi, « quand on a ficelé les mots », et que le corps du vent est venu, peu à peu, prendre toute la place...

On goûte ces poèmes aux réminiscences heureuses, aux « joies océaniques », où la tendresse et le désir dessinaient une île (insatiable) que seule la poésie recompose aujourd'hui.

On sait depuis René Char que « le poème est l'amour réalisé du désir demeuré désir. »

Orianne Papin parvient à recréer cet éblouissement-là, aussi, dans ses textes.

Souvent, avec simplicité, et dans sa force de suggestion à approcher l’indicible, sa poésie va encore plus loin :

orianne-papin-poste-restante
Les gens
qui pleurent souvent
ont les cheveux
qui sentent la mer

(...)

Hier encore
tu n'existais pas
tes épaules me regardent
ton odeur me respire
ta bouche me rassemble

(...)

Cette poésie me rappelle celle, sensuelle et légère, d’Amandine Marembert (1), lorsque je l'ai découverte au milieu des années 2000. J'y ai retrouvé la même fraîcheur et la même capacité à écrire l'amour qui se rêve, se fait, se vit passionnément, et à nous émouvoir surtout avec, ici, une économie de moyens et une exacte pudeur.

C’est aussi une poésie de la délicatesse, de l’effacement, à l'écriture ténue et pointilliste.

L'auteure a su, en effet, planter parcimonieusement quelques éléments du décor : la mer et ses chemins côtiers, le sable à marée haute, les corps heureux qui sautent dans les vagues, les rochers tièdes, le sel marin, le vent, la chaleur des soirs d'été, 
« où parfois même les bruyères fondent » pour peindre un climat de bord de mer facilement identifiable, et transposable en chacun de nous.

Orianne Papin, voix nouvelle de la poésie, nous propose un beau premier recueil poignant et réussi. Sans appuyer sur la mélancolie, ce livre nous invite à « vivre plus fort sur la pointe des pieds », sans éteindre en nous le bonheur de cette lecture. Délicate surtout comme les petits pas d’un oiseau qui sautillerait sur le sable, après l'éclaircie.

Commander le recueil : Poste restante d'Orianne Papin, coédition Décharge/Gros Textes, coll. Polder n°185, 2020, 6 €.

Le site d'Orianne Papin

(1) Quelque titres significatifs d'Amandine Marembert  :  Elle(s) si tant et que (2006) ; Il pleut dans la chambre cette nuit (2006) ; Mon cœur coupé au sécateur (Prix des Trouvères des lycéens, 2009) ; Toboggans des maisons (2009), Les cerises ne sont pas des lèvres (2014)...

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