Amandine Dhée au théâtre Massenet (2009) |
Je vais déroger à l’esprit de ce blog. Vous parler d’une auteure que j’ai négligée jusqu’ici.
Je l'ai pourtant vue plusieurs fois en lectures publiques dans le Nord.
Née en 1980, Amandine Dhée a un univers très personnel qui combine drôlerie et gravité. Elle vient de la scène slam mais son écriture tient parfaitement la route, ne se désagrège pas dans deux de ses livres, bien ficelés, que j'ai lus récemment : Du bulgom et des hommes (2010) et Et puis ça fait bête d’être triste en maillot de bain (2013).
J'ai soudain songé à l’esprit d’Howard Buten qui se serait réincarné dans cette jeune femme moderne. À la poésie et à son esprit d’enfance préservé qui dynamite ou dégonfle l’esprit de sérieux des grandes personnes. J’ai aussi eu l’impression à la lecture de Du bulgom et des hommes qu'Amandine Dhée a mille idées à la minute quand elle décompose le quotidien, scrute la vie des gens en milieu urbain, leurs airs affectés, peu naturels, où la mécanique bien huilée des discours cache souvent une préoccupante réalité qui hurle et qui craquelle derrière les masques… ou les petits costumes tristes ou étriqués de l’existence.
Une écriture rafraîchissante sans édulcorant
Dans Et puis ça fait bête d'être triste en maillot de bain, Amandine Dhée offre une autobiographie « rafraîchissante » et émouvante où elle s’interroge sur des moments-clés de sa vie, avec délicatesse et humour, sans rien édulcorer de « l’histoire qui l’a façonnée et avec laquelle elle doit encore composer aujourd’hui ». Autant de fragments aux souvenirs précis qui recréent son histoire - de la naissance à l’adolescence jusqu'à ses premières signatures d'auteure - avec un même ton décalé.
Amandine Dhée écrit avec l’enfance en bandoulière. La séduction de son écriture réside dans cet humour qui dédramatise aussi les moments difficiles, invite à voir le monde sans œillères, avec un mélange de causticité et de compassion, et à ne pas se prendre trop au sérieux non plus. Elle évoque des sujets de société fondamentaux comme la phallocratie, le jargon et l'hypocrisie politicarde, le féminisme, l'oubli des plus démunis jusque dans leur histoire et leur mémoire de travailleurs invisibles...
Son
5e ouvrage, La femme brouillon, paraît le 17 janvier prochain aux éditions La Contre Allée. Un éditeur
qui soutient et défend cette jeune auteure, avec pugnacité, depuis ses
débuts.
Un
véritable éditeur du Nord de la France en passe de
rééditer aussi deux ouvrages épuisés et essentiels de Sophie G.
Lucas parus aux ex-éditions des états civils : moujik moujik
et no town, deux titres qui véhiculent aussi une poésie
sensible, à caractère social, bien ancrée dans le réel, de
l'ordre du documentaire ou du témoignage vécu, à l'image de la
poésie objectiviste de l'américain, Charles Reznikoff, et qui
trouveront très vite leurs places dans le catalogue de cet éditeur passionné et surtout, en la personne de Benoît Verhille, un passeur et distributeur enthousiaste sur le plan national.
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